Robin des bois : ce spectaculaire thriller est simplement et profondément politique. Un homme, Azad (Shah Rukh Khan), entouré d’une équipe féminine, extorque aux riches pour redistribuer aux pauvres, et améliorer les infrastructures publiques.
C’est un film Bollywood, parce que tourné en langue hindi, et parce qu’il comporte le même mélange des genres, assaisonné de scènes chantées et dansées - même si moins nombreuses que dans la plupart des films classiques du second âge d'or de Bollywood (1990-2020 environ). La chorégraphie à mille danseuses de Zinda banda est particulièrement glorieuse. Et le film est et restera un phénomène dans l'histoire du cinéma de Bollywood.
A nouveau un double rôle pour Shah Rukh Khan qui s’était déjà dédoublé dans plusieurs films, avec plus ou moins de succès :
Karan Arjun
Duplicate
Paheli
Don: The Chase Begins Again
Om Shanti Om
Ra.one
Fan
Il nous offre la prouesse d’incarner, à grand renfort de maquillage, à la fois un personnage en deçà de son âge (la quarantaine) au moment du tournage (57 ans), dans le rôle du fils, et au-delà de son âge dans le rôle du père (disons une bonne soixantaine). Avec de multiples facettes.
Un mystérieux gang de femmes
Azad s’est entouré de six femmes énergiques et convaincantes, toutes dans des seconds rôles bien dessinés. Et nous avons le passage de la belle Deepika Padukone, qui a l’habitude de tourner avec Shah Rukh Khan, et à qui elle doit d’être en haut de l’affiche depuis le succès d’Om Shanti Om.
Les ennemis de l'intérieur
Il s’agit de pointer l’enrichissement injuste de certains, et la corruption omniprésente en Inde, alors que le triste état des infrastructures publiques en Inde (hôpital notamment) et la grande misère de la population (le sort des paysans pauvres, c’est 10 000 suicides par an) sont patents.
On s’y soucie d’environnement, dans une veine féministe et démocrate, tout en incitant explicitement à réfléchir et s’impliquer, avant les prochaines grandes élections au printemps 2024.
La question religieuse
Dans le contexte actuel d’intégrisme religieux de la part du parti politique hindou au pouvoir, dans un pays pourtant profondément laïc.
Shah Rukh Khan ne cesse ces dernières années d’être victime de nombreuses intimidations policières et attaques médiatiques de la part des membres du BJP. Il est musulman, on lui conseille donc à mots plus ou moins couverts de retourner au Pakistan (d’où il ne vient pas).
Musulman comme presque 200 millions d’indiens, et de nombreuses stars du cinéma : Salman Khan, Aamir Khan, Saif Ali Khan, le regretté Irrfan Khan, Naseeruddin Shah, Nawazuddin Siddiqui, Farida Jalal … Shah Rukh Khan s’était déjà attelé à plaider la cause des musulmans aux États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, dans le beau My Name Is Khan (2010).
Le film a ici l’intelligence d’éviter le terrain religieux dans un contexte extrêmement tendu, et invite chacun à réfléchir et prendre ses responsabilités, avant les prochaines élections générales en Inde.
Qu'en penser ?
Le film est bien meilleur que Pathan, le dernier film de Shah Rukh Khan au scenario paresseux et embrouillé, sorti il y a quelques mois. Le scénario rebondissant reste ici linéaire et compréhensible.
C’est mille fois plus drôle, spectaculaire et divertissant que tous les Mission Impossible réunis, et certainement plus inspirant que nombre de films soi disant politiques. On y évoque la question des usines polluantes tout autant que celle du processus électoral indien.
C’est courageux et réussi.