Cher Jean Claude,

Après avoir vu ton film plein de sincérité je ressentis le besoin de t'écrire pour te partager l'admiration que j'ai à ton égard.
Je ne vais pas te mentir, je n'ai pas grandi en regardant tes films. Non là n'est pas l'objet de mon admiration, si je t'admires, c'est parce que j'aime t'entendre parler.
Parce que soyons franc Jean Claude, dans le genre, t'es plutôt unique, certains aimeraient te réduire à quelques phrases cultes que tu nous a offertes, mais on le sait tous les deux: tu es beaucoup plus complexe qu'on ne pourrait le croire.
A mes yeux, tu représentes l'homme dans sa globalité fait d'erreurs, de défauts, d'amour, d’honnêteté, de bêtise, tout ça c'est toi, c'est moi, c'est nous, mais contrairement à nous, toi tu n'as jamais voulu caché tout ça.
Au début les choses t'ont réussi. T'es né à Bruxelles, dans une famille aimante, tu étais déjà plein d'énergie et tu profitais joyeusement de la vie. Le premier changement majeur-et pourtant à la fois très mineur-qui intervenu dans ta vie fut qu'un jour après l'école, tu viennes te plaindre au près de ta mère au sujet d'un enfant qui te malmenait.
La solution pour remédier à ce problème ? Des leçons de Karaté. On aurait tendance à croire que t'as toujours été Muscles from Brussels mais dans ton enfance t'étais plutôt du genre fragile et craintif.
De là naquit une passion, ton amour pour la vie se transformait dans cette passion pour le karaté, sans surprise au vu de ton investissement, t'es devenu le meilleur arrivant au titre de champion d’Europe et Vice champion du monde.
T'aurais pu t'arrêter là, mais ta passion te criait désormais autre chose à l'intérieur, quelque chose d'encore plus grand : Le Cinéma. Et toi, JCVD, t'as toujours fonctionné en écoutant ton instinct et logiquement donc, tu sautas le pas et tu pris ton billet pour la terre de rêve de tout gosse qui rêve d'être la prochaine star de ciné : L' Amérique !
Et peut importe si tu arrivais là sans connaître l'anglais et sans avoir la permission légale d'y travailler. Travailler tu le fis, tous les jobs possibles et imaginables : Vendeur de pizza, portier, Taxi man. Tu volais même dans les supermarché pour manger !
Un jour finalement le destin fut plus clément avec toi ; un producteur te donna ta chance. Tu la saisis et avec un grand écart entre deux chaises en prime.
Ca y est ! Tu l'avais fait ! Le petit belge était maintenant en tête d'affiche d'un grand film ! Je te revois, jeune dans une interview*(1)*, exactement à ce moment, ou le passé ne serai plus jamais ton présent, et le future devant toi resplendissant avec son lot de promesses ! Tout était déjà prévu dans ta tête :
1) Champion de karaté
2) Acteur dans des films d'art martiaux
3) Accomplissement de son rôle d'acteur dans des films sérieux et importants.


Mais tu le sais, cette troisième étape n'arriva jamais. A raison, ça restera ta plus grande déception. T'avais tellement plus à offrir que le rôle stéréotypé qu'on t'obligeait de jouer.
Ton problème Jean Claude, c'est que dans cette transformation hollywoodienne, ce n'est pas seulement ta vie qui se devait de changer, c'était aussi toi. Parce que sans porter un regarder désabusé sur le monde du cinéma : ta naïveté, ton respect pour l'homme, ton honnêteté : Tout cela devait disparaître si tu voulais vraiment durer dans ce monde là. Tu étais une proie beaucoup trop facile, et c'est ainsi qu'on t'exploita tout au long de ta carrière.
Cette carrière qui n’avançait pas, ces films qui s’enchaînaient et se ressemblaient, cet agent qui refusait de comprendre tes aspirations, ce divorce, la garde de ton enfant : tu fus complètement pris au piège de tous les côtés.
Alors comme chacun face à l'amertume de la vie tu cherchas une échappatoire, tu l'as trouva comme d'autres dans le milieu : dans la Coke.


Ce ne fut pas là, la fin de tes peines.
Vint les Interviews. Même dans cette période sombre de ta vie, tu restais égal à toi même, le cœur sur la main, honnête.
Le seul problème, c'est que la drogue te ravagea le cerveau, et ton manque de pratique du français ne te permit plus de t'exprimer correctement. Alors on se moqua de toi. On te ridiculisait sur les plateaux TV. Ça a pris de telles proportions que ça a presque relancé ta carrière, tant tes discours cultes firent le tours du monde. T'étais le bouffon du peuple. Où le rire bien gras de l'homme face à la contemplation de l'échec de son semblable était son plus grand réconfort dans sa vie remplie de peur et d'insécurité.
Te voir dans certaines interviews me rendit terriblement triste. Ces regards qui te dévisageaient, ces questions perverses qui, honnêtement, te dépassaient et te poussaient à répondre une absurdité.
C'était triste.
Et pourtant, je t'aimais encore plus après avoir assisté à ce navrant spectacle. Parce que tous tes shows montraient ta différence fondamentale avec les gens du spectacle : Tu n'as jamais porté de masque toi. Alors que dans la société d'aujourd'hui et encore plus à la télévision, c'est presque suicidaire de ne pas se protéger par des étiquettes qui masque ton côté réel, ton instinct de simple humain.
Je te revois encore sur le plateau de Love Story (2), surexcité, tu incarnais à nouveau cette passion qui t'étais propre, et dans cette émission pourtant minable, tu décidas à nouveau de te mettre à nu, et à expliquer clairement ton parcours à un petit marocain, pour lui montrer tes erreurs en espérant qu'il ne se fasse pas piéger à son tour.
En pleins milieu de ce passage, ou comme tu le dis si bien, le cœur parlait, tu entendis derrière toi la foule applaudir alors qu'il n'avait vraiment pas lieu d'être. Et là c'était trop. Je me souviendrai toujours comment tu réagis. :


JCVD : Tu sais j'ai fait beaucoup d'erreurs, et ces erreurs peut être ce soir... et tu sais ses erreurs elle sont ici aujourd'hui et....
Public : OUAIIIIIIIIIIS /applaudissements/
JCVD : OOOh, Stop !! Arrêtez les clappements, Merde, arrêtez ces histoires ! Je parle du cœur ici ! On EST pas du Show business, ok ?! Je suis un homme qui parle à un homme maintenant.


De cette sombre époque tu t'en es sortis avec brio et avec plein de sagesse.
Tu revins, chez nous, en Belgique, à la recherche d'un chez soi ou tu pourrais te refaire. Au milieu de gens qui te ressemblaient beaucoup plus que ces imbéciles d'américains.
Il y a tellement d'anecdotes incroyables autours de toi qui m'ont touché. Par exemple, le fait que tu sois toujours resté proche de tes parents, au point où à la fin du tournage de chaque jour, tu appelais ta mère pour lui raconter ta journée jusqu'à retrouver ton hôtel.


Tu vois, moi j'ai jamais voulu devenir une star, même enfant. Parce que ça représente trop de responsabilités et j'ai toujours été conscient que derrière tous ces artifices, dans ce monde là, on te suces de toute ta substance jusqu'à te rendre insensible et cynique.
Toi, tout ça, tu le savais pas. Ton amour pour l'homme dépassait le réalisme.
« C'est con de tuer des hommes, ils sont tellement beaux ! ». ça paraît tellement évident, mais pourtant ce genre de discours est moqué aujourd'hui parce que l'homme est devenu froid, trop intellectuel, tout ce que décrit Chaplin dans son brillant discours.
Mais toi tu savais. C'est comme si contrairement à nous, à ta naissance, on ne t'avait pas imputé le conditionnement de cette société qui perdure depuis des siècles ou l'égo règne dans chaque vie humaine. C'est comme si toi tu n'avais pas renoncer à ton âme d'enfant qui est dans sa nature beaucoup plus en phase avec le monde qu'on nous a offert.
Tu me dira que j'exagère, que tu n'es qu'un homme comme un autre, et je le sais, mais si je t'admire c'est parce que toi tu l’assumes pleinement, et ce jeu d'ego qui conduira l'homme à sa perte, tu refuses d'y jouer.
Te voir parler des notions de base de spiritualité me réchauffa le cœur, tandis que les autres te méprisaient sans chercher à comprendre que derrière ces mots mal arrangés tel un puzzle incomplet, il y avait une véritable démarche de vouloir s'exprimer, et comme tu dis si bien '' Maintenant je pense la vie ''


"JCVD : 1+1 = ?
Interviewer : 2 .
JCVD : Non. 1. On parle toujours une, un, mais on est un ensemble.
Mais dans notre monde à nous, 1+ 1 = 2, comme ça on devient selfish, on prend du pognon et on partage pas. Mais si 1+1= 1 ou peut être que 1+1 = 11 … et ça c'est beau ''
(3)


Même si ton approche est maladroite, j'ai compris Jean Claude. Tu sais j'en ai lu des livres sur la spiritualité qui expliquent en détail cette notion fondamentale d'unité, mais je préfère quand c'est toi qui me la raconte, parce que toi, Jean Claude tu me ressembles, et contrairement à tous ces maîtres spirituels qui inconsciemment me paraissent insaisissable, '' trop parfait pour être vrai'', toi, j'y crois quand tu me le dis, parce que j'arrive à m'identifier à ton humanité.


Je suis désolé, je suis horriblement bavard, surtout qu' au final je ne voulais te dire qu'une chose : Merci d'être pleinement toi. Grâce à toi, et à d'autres gens, je garde foi en ma race, parce que si il y a bien 2 choses que je veux absolument éviter dans mon existence c'est de devenir cynique et nihiliste.


Sincèrement, un fan qui quand on lui demande pourquoi il est fier d'être Belge, répond : Pour les frites et Vandamne.



"Je crois en Dieu....... un plus un égale un. Y'a Jean-Claude,
y'a Dieu, dans le même corps. Si on peut s'unifier, on devient
ce qu'on appelle les miracles, et chaque personne a le seigneur en soi.
We're all one.





(1) https://www.youtube.com/watch?v=ET0JOdO3JhM
(2) https://www.youtube.com/watch?v=O2HxuS5KePQ&t=327s (5:30 moment évoqué)
(3) https://youtu.be/FTKV29C7yJE
(Un grand merci à Alex La Biche pour les nombreuses corrections.)

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le 6 août 2017

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