Premier film de la réalisatrice palestinienne Maysaloun Hamoud, Je danserai si je veux est une œuvre engagée, drôle et poignante, parfois dure mais toujours touchante. Durant la petite heure et demi sur laquelle se déploie le film, j’avais l’impression d’habiter dans cette coloc de Tel Aviv, et j’avais très envie d’y rester. Quelle meilleure indication du fait que j’ai aimé ?


Présenté par les organisateurs de Secret Première comme le remake de Sex and the City à Tel Aviv, son seul point commun avec la série TV new yorkaise est d’épouser le point de vue féminin pour traiter de sujets de société. Mais la comparaison s’arrête (heureusement) là : qu’est-ce que Carrie et ses copines pourraient comprendre aux carcans qui enferment les trois héroïnes de Bar Bahar ?


Le passage d’une histoire à l’autre est facile, jamais forcé ; d’abord parce que les trois personnages principaux vivent ensemble. Durant la première demi heure du film, et aussi parce que le teaser le laissait présager, on croit que l’histoire va suivre l’adaptation et le débridement progressifs de Nour, jeune étudiante en informatique, très pieuse, qui atterrit dans cette coloc de filles délurées un peu par hasard – et largement à reculons. On pense ainsi que la jeune ingénue va passer par tous les stades du teen movie jusqu’à devenir partie intégrante de la coloc : déni, conflit, isolement, puis socialisation, première teuf et ça y est, les trois seraient désormais « bestah ». Mais c’était sous estimer la portée politique du film…


Loin de n’être qu’un girl movie, le film joue de la confrontation entre Nour et les deux autres colocs, aux modes de vie si différents, pour mieux les mettre en regard avec l’hostilité du monde extérieur. Et d’abord, l’hostilité patriarcale.



Pour faire simple : tolérance et bienveillance à la maison,
intolérance, lâcheté et hypocrisie au dehors.



La charge de la réalisatrice contre le poids des traditions patriarcales et la stupidité des hommes lorsqu’ils se sentent menacés est vive – charge qui lui a d’ailleurs valu une fatwa, la première jamais prononcée contre une palestinienne. Chacune des héroïnes se heurte, à un moment donné, à l’intolérance ou l’hypocrisie de son entourage. Cette hypocrisie culmine à la moitié du film,


lors d’un viol pour le moins traumatisant.


Plus de doutes, on a quitté depuis longtemps le girl movie exotique pour aborder les vraies questions politiques. Le sentiment violent d’impuissance, d’injustice, de dégoût qui envahit alors le spectateur – homme ou femme – est calmé par la très belle scène de la douche qui suit. Face aux traumas sociaux-amoureux (un peu bizarre comme association, mais c’est tout ce que j’ai trouvé pour parler de ce genre d’unions forcées), l’amitié féminine apparaît comme le seul socle dans la vie de ces jeunes femmes. En cela, Je danserai si je veux est aussi une jolie célébration de la coloc comme « famille », celle que l’on choisit vraiment. A un âge où on a quitté le foyer familial et où on n’a pas (encore ?) fondé de famille, c’est le refuge qui permet à la fois de vivre selon ses aspirations et de pouvoir compter sur quelqu’un quand on rentre de soirée, un peu déchiré(e).


Une bande son incroyable, des actrices charismatiques, une fin qui échappe aux clichés des films de révolte : j’espère qu’il ne vous en faudra pas plus pour vous convaincre d’aller voir ce drame palestinien qui bouscule des traditions centenaires sans en faire des tonnes – ni de pathos, ni de clichés.

de_cosa
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le 27 mars 2017

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