À mes visites à la médiathèque, il m’arrive d’emprunter un DVD au hasard, pour voir, parce que le hasard l’a placé en tête de bac. Parfois, cela suscite de belles surprises. Pas là.
C’est comme si Anne Fassio avait eu le cul entre deux chaises : d’un côté la comédie à gosses façon Nos jours heureux, de l’autre le film où les différences d’éducation constituent un enjeu dramatique valable, façon Carnage (pour ne citer que des films regardables sortis quelques années plus tard ou plus tôt). Fatalement, c’est raté des deux côtés.
La faute avant tout à un scénario bien trop faiblard. Le spectateur qui aime savoir ce qu’attendent les personnages de la situation où ils se trouvent, ou ce qui les pousse à agir comme ils agissent sera forcément déçu. « Passer de bonnes vacances » ? Ouais, c’est le principe, mais après ? Non seulement Je déteste les enfants des autres nous fait vaguement le coup de la mère célibataire encore attachée à son ex-mari, du type sans grande envergure titillé par sa libido, et d’une autre douzaine de clichés, mais en plus, rien de tout cela n’a la moindre conséquence. D’une façon générale, à partir du moment où les personnages arrivent à leur location, strictement aucun événement n’est décisif pour la suite : le film n’a même pas la structure d’ensemble qui pourrait le sauver.
D’où un gros problème de rythme. Après tout, si les scènes peuvent s’enchaîner dans n’importe quel ordre, pourquoi s’emmerder à maîtriser la vitesse de la machine ? Un exemple : à la suite de la connerie d’une gamine, un gamin se casse la binette à la piscine. Gros coup de stress, musique dramatique, angoisse des adultes, affolement, urgences… Sans mentir, il s’écoule une minute entre la chute du môme et le moment où on le retrouve dans les couloirs de l’hosto avec un bras en écharpe et un toubib qui dit « J’veux pus t’revoir ici ». Une seule putain de minute, pour un événement censé être un acmé dramatique. De là peut-être l’impression qu’aucune scène du film n’est réellement finie.
Et cependant tout cela est terriblement bavard : ça parle dans tous les sens, pour dire des choses sans grand intérêt, et s’il n’y a qu’un seul personnage à l’écran c’est qu’il parle au téléphone. Pas une seule scène muette pour alterner avec l’hystérie ambiante, pas un seul dialogue où on laisse une chance au silence et à l’hésitation. Il n’y avait pourtant aucun risque pour le spectateur de perdre le fil : il n’y a pas de fil.
Comme la musique est quelconque, les paysages filmés de près, la prise de vue du niveau des fictions du soir de France 3 et que la plupart des acteurs (les jeunes comédiens ne sont d’ailleurs pas les pires) ont à peu près la puissance expressive d’un juge de ligne à Roland-Garros après trois heures en plein cagnard, il ne reste plus grand-chose à sauver.