Je ne suis pas un héros, c’est l’histoire d’un trentenaire adorable dont les postures sensibles ont du mal avec les collègues du cabinet d’avocats ou des parents neuro-typiques. Forcément, Louis se sent en décalage dans ses affects et dans les réactions qu’il retrouve face à lui. Rudy Milstein décrit cela très bien et va multiplier d’autres points de vue grâce à une affaire pour des victimes de pesticides où le jeune homme oscille entre sa nature et les impératifs de la réalité ( en devant faire avancer le dossier d’un client de son travail). Le cancer qu’il croit se découvrir n’arrange pas les choses,au contraire il les empire. A partir de là, la partition s’enchaîne sans véritables temps morts et Rudy Milstein lâche son anti-héros dans l’arène de la vie, où on ne le comprend jamais, où il est vu comme un oiseau fragile qu’il faut cajoler et rassurer.Seuls quelques personnes accèdent à ses parts de vérités à l’image de Julien ( un jeune atteint d’un cancer en phase terminale) ou de Bruno son voisin de palier( au passage, une savoureuse partition du réalisateur s’amusant avec un personnage sans émotions qui les aurait perdu lors d’un accident). Vincent Dedienne est remarquable dans ce rôle à hauteur d’un sensible qu’on moque moins mais qu’on tâche de comprendre. Solaire et lunaire, il réussit à habiter les tourments de son personnage qui voudrait rencontrer plus d’adhésion et se heurte à une réalité malmenante. Clémence Poesy et Géraldine Nakache, dans des prestations maîtrisées,représentent les femmes de caractère ayant assez de recul pour appréhender Louis et constituer des opposés charismatiques mais rebutants pour lui. Rudy Milstein, grâce à une observation précise et sans concessions, détricote les jeux de rôles humains où les forts pensent avoir la vérité absolue, où les plus fragiles en apparence prouvent de la ressource ( scènes des réunions de travail où Louis propose de bonnes idées à l’associée de son cabinet). En tant que spectateur, la dramaturgie est intéressante puisqu’elle ne prend parti pour personne et place tous les personnages du récit dans la difficulté ( à faire face, à se faire comprendre ou à donner le meilleur de soi au moment opportun.). Film intelligent, à hauteur d’humains parfois paumés qui se redressent ou se remettent parfois en question, Je ne suis pas un héros a cette audace de ne pas présenter la vie comme un jeu de massacre mais incite à la compréhension mutuelle et à l’ouverture sur l’autre grâce à l’éclairage de moments bien particuliers. Enfin un film positif qui tranche avec une certaine idée de morosité ambiante et aseptisée.