L'extrême simplicité du synopsis - un macho se cogne la tête accidentellement et se réveille dans une société où les rôles traditionnels des hommes et des femmes ont été inversés - aurait dû permettre la construction d'un monde fictif plus subtil & cohérent que celui qui nous est présenté dans Je ne suis pas un homme facile. Une seule réplique est vouée à expliquer et justifier l'existence de cette société parfaitement inversée, « c'est parce que les femmes étaient les plus fortes que la nature les a désignées pour porter les enfants » : susurrée rapidement au cours d'un ébat amoureux entre les deux protagonistes, elle ne donne lieu à aucun réel dialogue et est finalement rapidement noyée, oubliée, comme à moitié assumée. Le film d'ailleurs se perd rapidement dans le récit de cette histoire d'amour qui questionne finalement assez peu les rôles des genres dans les relations hétérosexuelles : ce n'est pas le fait de subir les nombreuses pressions et humiliations du groupe dominant qui rend le macho moins volage, mais seulement le fait d'avoir enfin trouvé "la bonne".
Ainsi, sans être totalement à côté de la plaque, le film ne parvient jamais à trouver son ton, et enfonce de nombreuses portes ouvertes sans jamais rien creuser. L'humour est donc étrangement assez peu subtil tout en manquant de mordant. On rit des femmes qui refusent d'embrasser des torses poilus d'hommes, mais moins que des hommes qui se retrouvent à devoir s'épiler entre eux, et à arborer des poils en forme de ticket de métro entre leurs deux pectoraux. On perçoit donc assez peu l'humiliation que l'on ressent lorsqu'on inspire à quelqu'un un pareil dégoût, comme pour ne pas rendre le propos trop sérieux.
La rupture de ton que produit la toute fin du film me semble également maladroite : l'effet de brusque retour à la réalité aurait pu être plus réussi si seulement le point de vue avait été différent. Je comprends d'ailleurs assez peu ce choix de montrer la rencontre entre la protagoniste principale, habituée à son rôle de dominante dans la société matriarcale fictive, et une manifestation féministe bien réelle, qui finalement se contente de reproduire à l'identique la scène du premier choc vécue par le protagoniste masculin découvrant un monde où le cimetière de la Mère Lachaise a remplacé celui du père Lachaise. Il me semble que montrer le retour de ce dernier dans la société patriarcale qu'il a contribué à faire perdurer après s'être lui-même retrouvé membre du groupe dominé aurait été certes plus attendu et plus convenu, mais également beaucoup plus pertinent.
Un film oubliable à tout point de vue, donc.