Interpréter ou plutôt JOUER prend ici tout son sens

Film hors du temps, faussement désuet, qu'on ne peut qu'être tenté de comparer au premier abord à du Tati ou plus près de nous à du Abel et Gordon, "Je sens le beat qui monte en moi" (Quel titre horrible !) est avant tout un très beau terrain d'expression pour deux acteurs en état de grâce : Serge Bozon, qui est comme un poisson dans l'eau dans cet univers hors norme, décalé, à l'image de son propre cinéma, et l'incroyable Rosalba Torres Guerrero, chorégraphe de son état, qui se joue du film plus qu'elle ne joue DANS le film, faisant de son corps étrange un personnage à part entière. Il y a certes ce visage que n'aurait pas renié Picasso, mais c'est avant tout sa longue et fine carcasse qu'elle utilise pour signifier ses sentiments là où le commun des acteurs se sert exclusivement de mimiques faciales plus ou moins convaincantes.

Si la réalisation est un peu en retrait, on peut néanmoins prêter un grand mérite à Yann Le Quellec : celui de laisser ses deux "monstrueux" interprètes en liberté, leur permettant ainsi de toucher au grandiose lors d'une scène où danse et transe se confondent sur fond de Northern Soul.

Et il y a ces derniers instants, sensuels en diable, où soudain le metteur en scène semble avoir dit à ses acteurs : "Laissez-moi une minute pour montrer ce que je sais faire." Et il le montre bien.