Une jeune femme suédoise fait son propre journalisme et interviewe des hommes en public, des femmes au détour d'une soirée et des responsables politiques. Elle les questionne de manière naïve, intrépide et satirique sur différentes conditions sociales et politiques en Suède à la fin des années 60. Un semi-documentaire dramatique, relatif au socialisme.


Ce film existe en deux versions. Je n'ai vu que le second volet, le bleu. Mais quel est ce film ? Quel intérêt a-t-il pour nous, français du XXIème siècle ? Qu'est-ce que la Suède soixante-huitarde a à m'apprendre de plus que je ne vis déjà ? Comment caractériser ce film ?


Hé bien commençons déjà par son héroïne : Lena Nyman. Mais qui est-elle ?



Je suis l'un d'entre eux, le même déchet, la mauvaise herbe, le vent
me pousse où il veut



Lena est une enfant, une inadaptée au regard sérieux qui se cache derrière d'immenses lunettes noires. C'est une pute qui dit préférer Franco à Freud et Marx réunis. C'est une impertinente soucieuse, une enquêtrice poil à gratter. C'est une femme, Lena, une femme qui veut être indépendante quand les conditions de l'indépendance l'envoie direct à l'isolement, à être coupable de tout, juste au moment où elle veut jouir de l'acte stupide d'être libre. C'est un esprit critique sur pattes qui joue avec les dupes et leurs illusions, mais aussi avec les siennes. Elle doute du journalisme (qui ne va pas assez en profondeur) et de la science (qui ne satisfait pas par son manque d'urgence et de rigueur). C'est quelqu'un qui vit pour son compte, Lena, sinon elle n'arrive pas à vivre dans ce monde idéal où elle étouffe.


C'est un monde parfait que la Suède de la fin des années 60 : réformatrice, plus belle démocratie du monde, début écologique, une société en mutations sociales (en vingt ans, certaines tranches d'âge ont vu chuter le taux de nuptialité de moitié, le taux de divorce augmenté et le nombre de personne vivant seule dans le ménage considérablement augmenter). Aujourd'hui la Suède est toujours le pays le plus démocratique du monde mais aussi l'un de ceux où il y a le plus de viols, enfin... juste derrière le Lesotho (chiffre début 2016, selon Gatestone, un think tank libéral).


Donc, que fait Lena, en interrogeant le tout-venant ?
Elle met en garde, dans cette ère maoiste, elle met en garde et se préoccupe de sujets centraux, uniquement les moeurs : elle interroge et se positionne radicalement. Elle interroge la religion, la méritocratie, le couple, l'amour, l'homosexualité, la rémunération, la gynécologie culpabilisante, la condition féminine où les femmes ne sont certainement pas les moins misogynes, la prison, la guerre impérialiste.


Tout cela avec un art assez fluide grâce à de brillants interstices distanciés où l'on voit Lena se noyer dans son existence pas très heureuse. Absolument tout est passé en revue, avec une certaine malice et attachement pour cette héroïne.


La chose est rare, car le film est terriblement partisan, aussi foutraque que Mao mais il est partisan. Gauchiste mais pas marxiste. Si on y interroge très peu l'économie, cela importe assez peu dans ce cas de figure (enfin j'estime, mais évidemment si l'on parle de méritocratie, on devrait pouvoir parler du capitalisme et ce n'est pas le cas). C'est donc rare, salutaire, drôle... et censuré, encore aujourd'hui en France, au moins de 16 ans.
Le film ne s'intéressant absolument pas à l'économie capitaliste reste donc clairement fuyant sur cette question de la propriété et de la famille - ce qui est assez peu révolutionnaire derrière les vitres teintées du regard de Lena... Je refuse la qualification de film marxiste sur ce point-ci. Mais comme il fait du bien à voir.


Il est la preuve qu'on peut faire du cinéma politique en gardant l'esprit dynamique, facétieux et égalitaire.

Créée

le 20 févr. 2013

Modifiée

le 20 févr. 2013

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Andy Capet

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