Après l’effroyable copiage indigeste auquel on a eu le droit en 2017 avec La Belle et la Bête de Bill Condon, je n’étais pas spécialement amène à l’idée de voir un film autour de Winnie l’ourson en version live, tant j’imaginais difficilement les peluches du classique Disney et qui ont bercé l’enfance de beaucoup en prise de vue réelle.
Il faut dire qu’à l’heure actuelle, tout ce touche au cinéma live au sein de la compagnie Disney pourrait être présenté comme le début d’un âge sombre dans leur catalogue tant les projets originaux sont partis pour se faire de plus en plus évincé du cinéma au profit de gros projet de remake en version Live de classique Disney à l’utilité inexistante au vue de leur démarche artistique ridicule (Le Roi Lion et Aladdin prochainement) en dépit de quelques très rares exceptions (Mulan par Niki Caro). Et le snobisme d’un public qui gueule contre la mode des réadaptations des films de notre enfance en film Live (en plus du rachat prochain de la FOX par la compagnie) mais qui ne se déplace pas en masse pour défendre les projets originaux et qui partent avec l’intention de sortir des succès faciles n’aide pas.
On en revient à la réalité malheureusement souvent vérifié que les spectateurs, en tout cas à l’heure actuelle, cherchent trop souvent à se rendre au cinéma pour aller en territoire connue et rester dans une zone de confort plutôt que tenter une expérience neuf de peur de ne pas apprécier.
Mais à son crédit, cette suite au classique Disney de Wolfgang Reitherman et John Lounsbery a fini par me paraître plus sincère que le soi disant hommage à La Belle et la Bête de 2017 puisque Marc Forster semblait montrait une vraie volonté de respecter ces peluches vivantes et de donner une suite cohérente de forme comme de fond qui voulait marcher dans les traces de son aîné et retrouver l’innocence du film animé. Et même si je ne suis pas un énorme fan de la première heure du film original, je trouve à ce live un charme qui lui confère un statut d’agréable film familial.
Si Marc Forster est à la ramasse pour tout ce qui touche au cinéma d’action (Quantum of Solace, World War Z), il semble ici bien plus à l’aise quand il se tourne vers le divertissement familial et le fantastique. On n’est pas dans la grande technique niveau réalisation, mais à son profit cette dernière laisse respirer et vivre en toute simplicité ses personnages, à commencer par Jean-Christophe et Winnie qui forment la principale force du métrage et dont le contraste est dans l'ensemble très bien exploité. Tant pour les moments comiques (finalement pas si nombreuses quand on y repense) que pour des échanges plus posés et tendre entre l’ourson à l’innocence conservée après toutes ces années et un Jean-Christophe qui a été contraint de grandir vite au point d’être absorbé par sa vie d’adulte et d’en oublier l’importance de prendre du recul et de devenir involontairement négligeant sur ses obligations envers sa famille.
Famille d’ailleurs non évincé et rendu crédible et attachante par les interactions partagés entre Jean-Christophe, son épouse Evelyn et sa fille Madeleine. D’ailleurs Ewan McGregor excelle une fois de plus et est bien soutenue par les rôles secondaires, du côté des animaux de la forêt des rêves bleus comme sa famille (Hayley Atwell). Dommage que ce tableau soit un peu tâché par la performance limite grotesque de Mark Gatiss qui n’est pas non plus aidé à l’écriture, prisonnier dans la peau d’un patron unidimensionnel qui n’a pas grand-chose en sa possession pour être mis en valeur.
Mais Jean-Christophe et Winnie ont d’autres arguments artistiques à faire valoir, y compris dans les choix visuels comme technique pour démontrer pertinemment les effets du temps aussi bien mentalement sur Jean-Christophe que sur la bande de la forêt des rêves bleus. Surtout avec ce choix de dégarnir les couleurs des animaux en peluche pour faire davantage ressentir cette sensation de ravage temporelle dont ils ont été victime sans pour autant y donner de réponse plus clair. Est-ce qu’ils ont perdu leur couleur de façon naturelle ? Ou est-ce parce que le seul enfant avec qui ils ont eu contact a fini par les oublier au point de croire qu’ils n’étaient issus que de son imaginaire ? La question me taraude et je ne saurais dire si ça avait été pensé ainsi pendant le tournage et la production, mais c’est une théorie personnelle que j'aime bien.
Sans escompter qu’en plus de Winnie toujours fidèle à lui-même (et dont le flambeau au doublage français et été dignement repris par Jean-Claude Donda maintenant que Roger Carel est à la retraite), tout le reste de la bande des animaux de la forêt est traité avec tout autant de respect et même le retour de certains comédien de doublage comme Bernard Alane pour Monsieur Hiboux et bien sur l’excellent Patrick Préjean pour Tigrou, tous étant en plus bien animé en terme d’effets visuels bien que le budget soit plus modeste que pour une grosse production comme La Belle et la Bête ou Un raccourci dans le temps. Pour ce qui est des clins d’œil au classique Disney et à l’univers (Tigrou qui nous ressort sa chanson de présentation par exemple), je reconnais que mes connaissances se limitent beaucoup aux deux films de Walt Disney Animation Studio étant donné que pour les spin-off ou les films centrés sur un personnage en particulier je n’ai de souvenir que les titres ou certaines images (y compris pour l’éphélant), quoiqu’il en soit j’ai pas eu de problème de ce côté là.
Par contre il est regrettable les dernières minutes ne fassent pas honneur au reste du film, tant la conclusion des problèmes (en particulier côté travail pour Jean-Christophe) est beaucoup trop simplifié et sort comme un cheveu sur la soupe. Un peu con quand même alors que jusqu’à présent on avait un juste équilibre entre l’innocence et la naïveté des animaux en peluche, le monde plus froid de Jean-Christophe et le décalage employé entre ces deux mondes.
Jean-Christophe et Winnie ne constitue peut être pas un incontournable mais il opte pour la bonne voie à l’image du Livre de la Jungle de Jon Favreau, de Peter et Elliot le dragon de David Lowery et du Cendrillon de Kenneth Branagh : celle de ne pas reposer sur du travail déjà fait et de continuer à faire vivre une œuvre avec cette suite tout en y apportant son petit quelque chose pour qu’il ait une âme et en le respectant. Et pour ça, Marc Forster fait un boulot très respectable que j'apprécie. Difficile de dire si Guy Ritchie fera de même avec Aladdin l'année prochaine, pour le moment j'y crois pas.