Miss tics pop

Je vais sans doute être méchant et expéditif mais passé l'incrédulité de la séance "plateau TV devant le nouveau Bruno Dumont" place à la colère.

Déjà, je ne vous conseille pas de voir le film seul, que ce soit à domicile (sur arte en ce moment) ou au cinéma (où la très belle photo du film sera appréciée). Il faut avoir des gens autour de soi avec qui l'on est complice et on peut désamorcer en permanence la nullité absolue de ce nanar mystique. Je ne comprends pas où ça a foiré; pour ses détracteurs, Dumont est insupportable depuis toujours, pour d'autre c'est P'tit Quinquin qui a amorcé la chute, pour d'autres encore Ma Loute. J'adore ces deux œuvres, mais je me suis longuement demandé pourquoi ça passait dans celles-là et pas dans Jeannette.

Dans Jeannette, au bout de deux minutes t'as compris que c'était mort. Dès qu'elle l'ouvre en fait. Je comprends le côté punk, limite anar du geste cinématographique chez Dumont, j'admire sa mystique puissante (Hors Satan bordel c'était quelque chose) ou son austérité confrontée au bizarre (Camille Claudel). Mais quand on fait une comédie musicale, vouloir tout saloper pendant la durée entière du film c'est se tirer une balle dans le pied. Ça aurait pu marcher, ça aurait pu être vraiment drôle, s'il l'avait fait à la Monty Python ou à la Jesus Christ Superstar, une comédie musicale laide et outrancière mais avec des chansons drôles et bien écrites. Ici c'est plutôt l'inverse, une comédie musicale visuellement superbe - c'est un film de Dumont et c'est toujours le même chef op et ses filtres, la nature du Nord de la France et ses dunes, les cieux immenses. Mais bordel les gamines (et les autres après) ont des voix atroces et ne savent pas chanter, ça donne un truc un peu comme ça : "OOOOOooooOOOOOH moooOOOoooon diieuuuuUUUuuuuuuuh quatooooooOOOoooorzeuuuuh siècleuuuuuuUUUUH deuuuuuHHHH chrétieEEEEENtéééééuuuuUUUUH" pendant deux heures, et les textes des chansons sont tellement atroces qu'on dirait juste une mauvaise parodie. Y a des moments je croyais regarder le palmashow. Genre, y a quand même du rap picard et de la tektonik quoi. Et du black metal.

C'est bien joli de vouloir faire absolument n'importe quoi, mais faut quand même que le film puisse être vu et je suis désolé mais personne n'a envie de REvoir ça une deuxième fois, c'est juste criard et désagréable.

Concernant les dialogues, okay le parti pris c'est de mettre le texte ultra littéraire de Péguy dans la bouche d'enfants et de locaux qui n'en comprennent pas un mot et débitent ça mécaniquement, parfois en lisant carrément le texte hors champ, parfois avec des regards caméras incertains. C'est très déroutant et pas sûr que l'effet bressonnien recherché soit vraiment atteint. En fait c'est une suite d'idée disparates qui servent toutes un but différent et qui ne vont pas ensemble. La danse contemporaine qui fait limite office de LSF - le premier film plus agréable quand on est sourd ! - le metal chelou de Igorrr, le texte de Péguy, l'anti jeu, les chansons massacrées et stupides. Trop d'éléments, trop de déconstruction, au final on se retrouve avec un objet dont on ne comprend pas le but : Dumont cherche-t-il vraiment à nous montrer une mystique ? Une folle ? Une gamine paumée ? Pourquoi du metal, est-elle possédée ? Est-ce juste une farce ou est-il un peu sérieux quand même ? Il court tous les lièvres à la fois mais ne peut satisfaire personne, personne que ceux qui vont pouvoir se branler pendant des heures à expliquer chacun de ses choix pour te dire que "non mais attend on a jamais vu ça avant c'est génial du metal et de la tektonik pour raconter Jeanne d'arc".

Sauf qu'il y avait peut-être une bonne raison qu'on n'ait encore jamais vu ça.
Le pire dans tout ça, si on fait abstraction du chant affreux, de la musique intempestive et hors de propos, des gags lourdingues "dumontiens" qui tombent comme des cheveux sur la soupe, du jeu approximatif à l'excès qui n'a plus le charme des précédents films parce qu'il y a trop d'éléments autour, etc etc, c'est que l'histoire en elle-même est pas si mal racontée. Un futur film culte pour les mauvaises raisons. Big up pour les moutons.