L'âme des sorcières

Bruno Dumont s’attache ici à dépeindre les turpitudes d’une petite bergère solitaire qui s’imagine au fil de ses délires chef de guerre de la France contre les Anglais. Il explore en réalité à travers une sorte de comédie musicale baroque, l’enfance de Jeanne d’Arc, fillette révoltée, en prise avec sa rage et ses obsessions et qui pour essayer de se figurer la réalité de la guerre, des villages brulés, des récoltes volées, des hommes tués, s’en remet à dieu avec une dévotion qui l’amène jusqu’a la folie.

Loufoque, inqualifiable, radical, ovnièsque dans sa forme, la réalité du récit, ou plutôt la folie du récit, s’aligne sur la folie de Jeannette. Ce parti pris en fait un film à la limite indigeste, difficile à regarder, dont on pourrait louper le message en s’arrêtant à son aspect bizarroïde, mais dont le lyrisme et la radicalité qui s’en dégage a de quoi émouvoir, si tant est qu’ont perçoit la folie du film comme la propre folie de Jeannette. Bigote et Païenne, séculaire et révolutionnaire, gardienne des montons et des soldats, sorcière sauvage, libératrice de la France, les multiples figures de Jeanne d’Arc ne manquent pas de mystère et par ses partis pris de réalisation, Bruno Dumont réussi parfaitement à tisser au fil du récit toute la complexité du jeune personnage.

Au fond, l’intérêt du film réside dans la lutte que mène Jeannette: comment devenir chef de guerre quand ont est une femme et qu’on est simple Bergère ? En prétendant à la Folie. Une femme folle accède à tous les droits, elle devient libre, et c’est cette intuition qui guidera Jeannette dans la transcendance de sa condition autant que dans son salut et jusqu'à sa perdition.