Pendant sa descente aux enfers amorcée depuis les années 90, décennie relativement peu accueillante pour Dario Argento, le réalisateur transalpin a perdu de sa superbe. Si ce n'est quelques fulgurances visuelles (qui ne sont pas du goût de tout le monde) dans Stendhal Syndrome et un retour mitigé au giallo dans Le Sang des Innocents en 2001, le maitre de l'horreur n'est plus à la page et tourne en rond. Sa participation à l'anthologie horrifique "Masters of Horror" en 2005 ne pouvait être que bénéfique pour lui et, si elle n'a pas impacté sa carrière pour autant, son épisode a marqué les esprits.
Unique segment à avoir été partiellement censuré (seul celui de Takashi Miike a été privé de diffusion TV), son adaptation du bref comics "Jenifer" de Bernie Wrightson et Bruce Jones nous fait retrouver son mauvais goût et son talent des beaux jours avec une histoire particulièrement glauque de flic tombé amoureux d'une freak monstrueuse à l'appétit insatiable. Et si l'on peut critiquer les maquillages pas très réalistes du personnage-titre et une certaine prévisibilité quant au final, rien ne nous avait préparé à cette atmosphère terriblement lugubre et désespérée que nous a concoctée Argento.
Tenant presque du voyeurisme déviant, "Jenifer" abat ses cartes en se présentant comme une romance érotique et malsaine, repoussante, n'hésitant pas à montrer face caméra des séquences déséquilibrées insoupçonnées (d'où sa censure). Protecteurs des chats ou membres de la protection à l'enfance, passez votre chemin, Argento n'épargne personne dans cette variante trash et perverse de "La Belle et la Bête", notablement gore et pessimiste. Ne vous attendez cependant pas à une mise en scène envolée et baroque telle qu'il se le permettait auparavant, "Jenifer" étant aussi sobre que foncièrement violent dans ses passages les plus marquants. L'un des meilleurs métrages de son auteur depuis un bail, fortement conseillé.