C’est l’heure de Jennifer’s Body

Bonne nouvelle, je n’ai plus besoin de cacher mon amour pour Jennifer’s Body, le film connaît une renaissance et a même gagné ses lettres de noblesses comme un classique culte féministe. Il est temps de revoir la comédie-horreur qui s’était faite violemment basher à sa sortie.

Le film sort en 2009 et c’est un désastre, on avait promis d’hypersexualiser Megan Fox pour le plaisir des hommes de 18-24ans et, surprise, ils n’y trouvent pas leur compte. Plusieurs scènes montrent l’actrice, connue alors pour son rôle dans Transformers, sur le point d’enlever ses vêtements, mais cela n’arrive jamais, confrontant le public à ses propres attentes sur ce qu’ils veulent/pensent voir de Megan.

Grave erreur marketing de la part du studio, qui a ignoré les demandes et avertissements de la réalisatrice Karyn Kusama et la scénariste Diablo Cody. Eh oui, le film a été écrit principalement pour les adolescentes et jeunes femmes, et ça aurait été cool de le présenter comme tel. À la place, eh ben il n’y a qu’à jeter un œil aux affiches du film et au trailer, qui n’ont rien à voir avec l’histoire. Les créatrices du film regrettent amèrement le choix qui a été fait de la part du studio d’exclure le jeune public féminin.

Le film gravite autour de Jennifer et comme le titre l’indique, de son corps (shout out à la chanson du groupe Hole, qui donne son titre au film, on entend d’ailleurs Violet, un autre titre du groupe de Courtney Love au générique).
Mais le personnage principal du film est réellement Needy, joué par Amanda Seyfried, et non pas Jennifer.

On suit Needy, dans son admiration, son adoration pour sa meilleure amie. Le film aborde le thème des relations amicales entre adolescentes, qui peuvent parfois être intense au point de devenir toxique.
La seule fois où Amanda Seyfried est incluse dans le trailer c’est pour capitaliser sur la scène où les deux actrices s’embrassent. Alors que dans le contexte du film, on comprend dans cette scène la confusion de Needy lors de son éveil sexuel, entre désir et répulsion pour son amie d’enfance, mais le trailer sort la scène de son contexte pour la fétichiser.

Le film joue et les attentes et les règles des films d’horreur que l’on a intégrées. Comme expliqué dans Scream, pour qu’une ado survive dans un film d’horreur, il faut qu’elle soit vierge.
Halte du puritanisme, personne n’est vierge dans le film. Et c’est l’erreur que commet le groupe de rock/prédateurs Low Shoulder quand ils pensent sacrifier une vierge, Jennifer, au diable pour que leur groupe décolle.
Le film utilise l’humour pour créer une dissonance entre l’horreur de ce qui va se produire et l’attitude détachée des agresseurs. Une critique très juste de la façon dont on a normalisé les violences faites aux femmes dans les médias. Mais la violence faite à Jennifer n’est pas montrée frontalement, contrairement à la beaucoup de films où l’on n’hésite pas à montrer l’agression envers les femmes pour le sensationnel.
Ayant sacrifié une femme qui n’était pas réellement vierge, le groupe connaît son succès et part en tournée, mais Jennifer elle, est devenue une succube qui doit manger de la chair humaine pour survivre. Or, Jennifer ne mange que les garçons...

-You’re killing people! -No, I’m killing boys.

Jennifer ne part pas en quête de ses agresseurs comme dans un rape-revenge pour les tuer un par un (ce sera le rôle de Needy). Non, car le problème n’est pas un groupe d’agresseurs. Le problème est plutôt… Disons, systémique.
Jennifer utilise son corps, le corps même de Megan, pour attirer les garçons de son lycée sans aucune subtilité, dans des pièges plus qu’évidents, quand elle a faim. La seule scène où Jennifer est ouvertement dans une position sexuelle, on ne voit, entre les éclaboussures gores, qu’une ombre portée, en train de dévorer sa victime.

On va pas se le cacher, et Megan l’a dit elle-même, le marketing foiré est dû à sa présence au casting du film. Les posters nous proposent une sex-comédie avec Megan en tentatrice, là où le film est plus proche d’un art house de série B.
Le film est pleinement conscient de la façon dont Megan Fox est vue à l’époque comme objet sexuel, on pense à la scène de Transformers où la caméra prend le point de vu du perso masculin en filmant son ventre plat, son dos arqué et s’attarde sur ses fesses alors qu’elle est littéralement en train de déplorer que les hommes la sous-estiment constamment.

-My tit. -No, your heart.

Jennifer, au début du film est vu comme un objet, par les élèves de l’école, par les membres de Low Shoulder, par la SoCiéTé et par extension le public lui-même. Il n’y a que son amie pour la voir telle qu’elle est. Après son agression, Jennifer devient sujet, et on peut dresser le parallèle entre elle est Megan Fox, dont l’appréciation ne fait qu’augmenter au fil des années.

Jennifer la succube est tuée par Needy, qui lui plante un objet tranchant dans la poitrine, Jennifer complètement aliénée, exprime ce que le public voit, son sein, Needy (et la scénariste) répondent alors, non, ton cœur.
Jennifer est réhumanisée par sa mère, avant cela absente du film, qui en pleurant le cadavre sanglant de sa fille, nous rappel que celle-ci était seulement une adolescente.

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L’analyse de The Take sur le film:
https://www.youtube.com/watch?v=X7Twg8rG2HI&t=862s&ab_channel=TheTake

L’analyse marketing autour du film, par Yhara zayd:
https://www.youtube.com/watch?v=llQ_OpOl7Qg&ab_channel=Yharazayd

Dix ans après, le point de vue de Megan Fox et de la scénariste Diablo Cody sur le film:
https://www.youtube.com/watch?v=u2JLRtWlq0o&ab_channel=ETLive

Comment Megan Fox est filmée dans Transformers, par Lindsay Ellis:
https://www.youtube.com/watch?v=tKyrUMUervU&t=393s&ab_channel=LindsayEllis

La chanson « Jennifer’s Body », Hole:
https://www.youtube.com/watch?v=qNfW3-w4Va4&ab_channel=Hole-Topic