Michael Pearce l’a admis lui-même : son film est un conte. Un conte noir pour adultes. Une île, de jeunes filles assassinées, une autre qui étouffe, "en captivité" et qui voudrait se sentir plus libre, un jeune homme mystérieux, un monstre qui rôde… Inspiré par l’histoire de la "bête de Jersey" (alias Edward Paisnel, violeur en série dans les années 60 qui sévit sur la petite île anglo-normande), Pearce s’attache principalement, au-delà de la simple retranscription du fait divers, à la personnalité de Moll qui, sous ses allures de jeune femme modèle malmenée par une mère autoritaire, cache en réalité une part animale longtemps réprimée (un épisode marquant de son enfance est là pour le rappeler) que sa rencontre avec Pascal va soudain raviver (lui-même, derrière ses airs angéliques, dissimulant un passé trouble).


Si, en apparence, le scénario de Jersey affair (Beast en version originale, plus parlant) ne propose rien de vraiment original (Pascal est-il oui ou non la "bête de Jersey" ?) et pourra même évoquer, parfois, un épisode de Broadchurch ou consorts maniant suspens du terroir et ambiance touristique, c’est dans l’étude de la relation entre Moll et Pascal que le film puise sa matière première, y révèle sa force principale. Relation exacerbant leurs instincts premiers, attisant leurs désirs inassouvis mis en parallèle avec la nature secrètement farouche de l’île (forêt sombre, côte escarpée, mer déchaînée…) et la violence des éléments (l’eau, la terre et le feu, illustrés chacun à des moments-clés de l’intrigue).


Pearce, pour son premier long métrage, montre d’un savoir-faire certain dans la direction de ses acteurs comme dans sa mise en scène, même s’il alterne un peu trop systématiquement scènes purement narratives et belles fugues sensorielles. Jessie Buckley (récemment découverte dans la série Taboo avec Tom Hardy) et Johnny Flynn (entraperçu dans Sils Maria), sensuels et troublants tous les deux, magnifient leur rôle d’amants terribles, sauvages comme Catherine et Heathcliff chez Emily Brontë, et le film, il faut bien l’avouer, leur doit beaucoup, leur doit énormément, beaucoup à leur alchimie, à leur fièvre et à leur fougue les portant loin, et jusqu’à l’abîme.


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mymp
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le 16 avr. 2018

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