Jésus revient à Noël… à Nagano

Quand le mercredi tombe un 25 décembre, comment ne pas choisir de sortir un film qui s’appelle Jésus ce jour-là ? En tout-cas le distributeur Eurozoom n’a pas hésité. Mais attention, n’imaginez pas allez voir un récit péplumesque des Évangiles supplémentaire… Ici, direction le Japon et une proposition pleine d’originalité et d’humour, faite de poésie, de douceur et de bienveillance, pour parler d’enfance et de foi d’une manière totalement décalée sans jamais être blasphématoire.


Un vieil homme fait des trous dans une fenêtre en papier pour voir dehors. Plus tard, son petit-fils préadolescent fera de même pour, sans doute, se souvenir de la période de sa vie où il était le plus heureux. Entre les deux, nous sommes témoins d’une belle histoire édifiante, émouvante et drôle… celle de Yura (Yura Sato ), un garçon qui déménage avec sa famille dans la maison de son défunt grand-père pour repartir à zéro dans un endroit où il ne connaît personne. Venant de Tokyo, il fera face au choc culturel que représente notamment l’entrée dans une école chrétienne. Il y découvre le catéchisme, la prière. Dans cet établissement scolaire, tout le monde prie et demande des choses à Jésus. « Tout est possible à Dieu » lui apprend-t-on d’ailleurs… il fera donc de même, et comme par miracle, Jésus lui apparaîtra alors en miniature. Grâce à ce qu’il interprètera comme une intervention divine, Yura se lie d’amitié avec l’enfant le plus populaire de la classe, Kazuma (Riki Okuma), la star du football de l’école, et sa vie prendra ainsi un tournant bien meilleur. Avec l’appui de son nouvel ami et ses prières qui semblent exaucées, Yura sortira de sa timidité et, pendant un certain temps au moins, semblera vraiment heureux. Mais qu’est-ce que la foi si elle n’est pas mise à l’épreuve ? La tragédie finira par frapper, et Yuma se retrouvera à remettre en question le rôle du « petit Jésus ». Un Jésus devenu familier et proche qui disparaît, précisément au moment où on en a le plus besoin, de quoi ouvrit à une réflexion sur la vie, la foi et la mort.


Jésus, le premier long métrage du Japonais Hiroshi Okuyama, à peine âgé de 23 ans, qui lui a valu le prix de Nouveau Réalisateur au Festival du Film de San Sebastian, est une jolie fable sur la foi et le désenchantement. Un goût exquis et délicat imprègne cette histoire dans laquelle se mêle surréalisme, comédie et réflexion spirituelle pour composer une allégorie imaginative sur la douleur et la perte. Okuyama met en scène un drame sensible et subtil sur l’enfance, en pointant la perception particulière du monde et des événements qui se produisent dans leurs vies.
La lenteur du montage semble s’adapter au cadre rural et enneigé de Nagano, où personne ne semble pressé, à part les écoliers qui vont au culte et un certain chauffeur de camion… On se situe entre le doux sentiment d’un film de Naomi Kawase et les tendances loufoques de Sion Sono. Okuyama dit aussi adorer les œuvres de Hayao Miyazaki et son rapport à la nature. Il évoque également une inspiration puisée dans la trilogie de Roy Andersson et en termes de mise en scène, celle d’Hirokazu Kore-Eda, dont il a étudié le travail à l’université. Pas surprenant ! Cette typique bienveillance du regard sur l’enfance est là-aussi particulièrement visible. C’est aussi une certaine façon de filmer les moments intimes en famille, ces instants de convivialité en toute simplicité et efficacité. Le jeune acteur Yura Sato est de plus très convaincant dans le rôle exigeant de cet enfant.


Beaucoup d’audace également de la part d’Okuyama car il est difficile d’imaginer qu’il puisse exister de nombreux films qui montrent un Messie d’à peine vingt centimètres de haut à cheval, faisant du sumo ou sur le fameux canard en caoutchouc qui sert de jouet pour le bain, ou bien encore qui présente une version de Gloria In Excelsis Deo qui semble avoir été enregistrée par une chorale de petits écureuils ! Jésus est donc un début très prometteur pour Hiroshi Okuyama, et il serait intéressant de le revoir avec un plus gros budget explorer les thèmes dont il a gratté la surface ici de manière plus analytique, en particulier autour de cette question du christianisme et ce rapport entre foi, croyance et doute ou sensation de trahison.


Si l'on perd aujourd’hui si souvent la pensée initiale que Noël n’est pas simplement le jour des cadeaux, mais celui de la célébration de l’incarnation divine, la naissance du Christ, voici une façon extrêmement originale d’y revenir autrement. Très clairement, comme l’a souligné Kore-eda qui, heureux hasard du calendrier, sort lui aussi son premier film français La Vérité ce même 25 décembre 2019, Jésus est un film « novateur et nostalgique, douloureux et indéniablement drôle ».

GadreauJean-Luc
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le 1 janv. 2020

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