Jeune & Jolie par Chris_Art
(...) Présenté en compétition à Cannes 2013, Jeune & Jolie est le 14ème long métrage de François Ozon, qui après Dans la Maison (2012), aborde un de ses thème de prédilection : les errances de l’adolescence, ici en quatre saisons et 4 chansons. Malgré le scandale provoqué, Jeune & Jolie va bien plus loin que l’idée de prostitution : ce sont toutes les thématiques de la séduction, du jeu, des valeurs sociétales, de l’entrée dans la vie adulte, du rapport au corps et à l’altérité, qui sont abordées ici avec élégance et distance par un réalisateur accompli. Dans le cocktail de ce beau film, l’amoralité est en effet un ingrédient parmi d’autres, il y a aussi et surtout de la tendresse, de l’humour, de l’ingénuité et de l’innocence.
Véritable diamant brut, Marine Vatch magnétise l’écran par sa beauté froide et triste. Elle campe une Isabelle aussi belle qu’insaisissable, aussi lumineuse que Ludivine Sagnier dans Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (1999), sublimée par une mise en scène discrète et distanciée, d’un réalisme assumé. L’érotisme que dégage l’actrice se concocte parfaitement avec une certaine pudeur qui la rend infiniment touchante : « Ce n’est pas moi qui suis dangereuse » : en effet, jamais on ne songe à vouloir réprimander son personnage dont on suit pourtant le curieux trajet. Ozon dont on connaît le goût de la provocation, parvient ici avec intelligence et une certaine finesse à éviter l’écueil d’une explication psychologisante rébarbative, et ne tombe jamais ni dans le vulgaire, ni dans le voyeurisme. Aucune volonté de juger ni de disperser une quelconque morale. Ici tout est dans la poésie, le regard, les plans très courts et serrés sur Isabelle. Ozon joue comme souvent avec les codes de la narration classique et les références cinématographiques notamment Belle de jour de Luis Bunuel (1967).
Jeune & Jolie est saisissant, justement parce que le mystère est suspendu : quelles sont les motivations d’Isabelle, le fantasme ? L’interdit ? Le danger ? Ici, tout est affaire de sensualité et de suggestion et les questions en tout genre hanteront longtemps après l’esprit du spectateur, scotché par cette troublante initiation des sens et du corps qui s’achève par une scène épilogue avec Charlotte Rampling d’une puissance émotionnelle impressionnante, comme un miroir vieillesse/jeunesse, un relai d’une rare sensibilité.
(...) Jeune & Jolie est un film audacieux et contemplatif, juste et sensible, une ode à la jeunesse, au mystère féminin, une fable contemporaine sur l’envoutement des sens, à l’âge de l’insouciance. Rappelons-nous : « On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans » (Rimbaud)