Tout commence très mal. A peine le générique d'ouverture achevé, nous voilà cueillis à froid par un flot de paroles sans intérêt, déversées d'un ton assuré, et particulièrement agaçant, par un gamin de 8 ans. La voix de ce charmant bambin va nous accompagner de force tout au long de la première partie du film, partie que l'on pourrait qualifier de pâle copie d'Amélie Poulain : image jaunie, réalisation fantaisiste, ton doux-amer... Mais surtout, contrairement au film de Jean-Pierre Jeunet, lourdeurs récurrentes et jeu d'acteur parfois pathétique.

Puis nos héros deviennent adultes... Enfin, physiquement tout du moins. Parce que psychologiquement, ils n'ont pas tellement changé. Ce sont toujours des enfants, à cette différence près que maintenant, les hormones les travaillent. Alors, ils flirtent, d'abord chacun de son côté puis entre eux, mais comme ce sont décidément des jeunes gens bien compliqués ma bonne dame, ça ne marche pas. Nous assistons à tout cela peut-être un tantinet rassérénés. En effet, si les lourdeurs et les scènes légèrement bancales sont ici ou là encore présentes, les acteurs semblent jouer un peu plus juste, et le récit, devenir un peu plus intéressant, à mesure que la relation des deux protagonistes gagne en ambiguïté et en complexité. Leur jeu "Cap' ou pas cap'" ne se contente plus d'alimenter leur relation, il finit par la gangréner au moins autant.

Les minutes passent. Le dénouement approche. Nous suivons les différents rebondissements d'un œil assez attentif : s'il y a un reproche que l'on peut difficilement faire au film, c'est d'être ennuyeux, ou plat. Certaines idées, certains passages sonnent juste. Nous découvrons quelques scènes presque bonnes, presque fortes même. Mais il y a toujours quelque chose qui ne va pas : tantôt trop prévisible, tantôt trop peu crédible, chaque moment clé du film est en partie gâché par des mauvais choix (la scène du restaurant en est sans doute le meilleur exemple). Et puis, quelle prétention parfois ! Ces envolées lyriques du héros qui parsèment le film, sont-elles vraiment indispensables ? Il faut croire qu'on ne s'en débarrassera jamais, du gamin tête-à-claques de la première partie, sa voix est devenue plus grave, mais ses tirades... N'aurait-il pas été possible de faire passer les mêmes idées avec davantage de sobriété, et sans se prendre pour Baudelaire ou Rimbaud ? Le comble étant le monologue lors de la scène de course poursuite avec les flics, tellement too much !

Et puis le film se termine. Le générique de fin défile.

Tu te lèves de ta chaise. Tu as une note bien mauvaise en tête, prête à atterrir sur SC pour sanctionner les innombrables défauts de l'"œuvre" que tu viens de voir. Mais avant, pour être sûr, tu veux quand même te repasser le film dans ta tête, et énumérer les quelques qualités qui en émergent tant bien que mal.

Et là, peu à peu, en faisant les cent pas dans ton appartement avant de te coucher, puis le lendemain matin en y repensant spontanément, tu réalises que des qualités, le film en a quand même pas mal. Tu réalises que mine de rien, il a une originalité, il a quelque chose, comme on dit. Pour commencer, il rend bien compte de l'amour profond qu'il peut y avoir entre deux êtres, le genre d'amour qui ne s'éteint pas, dont on ne peut pas se défaire, qui dure toute une vie, qu'on le veuille ou non. Et qui fait horriblement souffrir lorsqu'il n'est pas rassasié. C'est souvent touchant et fort, les amours qui durent par-delà les années et les épreuves. Ajoutons à cela une excellente idée de départ, celle de ce jeu qui dégénèrerait, qui empêcherait les personnes les plus amoureuses au monde de s'aimer, et les ferait même flirter avec la mort. Et ce, sans pour autant qu'elles veuillent arrêter d'y jouer. Car, comme nous le dit si poétiquement Guillaume Canet dans la fameuse scène de course poursuite mentionnée plus haut, quoi de plus addictif que de partager son goût du risque, du danger, du dépassement de soi, avec l'être aimé, qui est à la fois partenaire, bourreau et victime (SM, quand tu nous tiens...). C'est quand même autre chose que de regarder Plus belle la vie le soir dans son canap' avec Jeannine et les gosses, non ? Blague à part, cet effet addictif du jeu est sans doute un autre point intéressant. C'est quand ils y jouent que les deux héros se sentent manifestement les plus vivants. Mais si c'est au prix de nombreuses années de malheur, voire de la mort, le jeu en vaut-il encore la chandelle ?

Bref, émotion, tension, suspense, réflexion... Non, vraiment, tout était réuni pour faire de ce film un chef-d'œuvre. Il eût (juste) fallu de meilleurs choix scénaristiques, de meilleurs acteurs (en tout cas dans la première partie), plus de finesse, de sobriété et de réalisme.

Créée

le 7 nov. 2017

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Xavier Bouchez

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