To be or not to be avant d'être une comédie savamment orchestrée est un grand grand film sur l'art de la mise en scène.
Tout est là, dès les premières minutes : une voix off, un vrai faux Hitler qui se balade dans le quartier juif de Varsovie suivi d'un faux vrai quartier général de la Gestapo qui s'avère finalement être la répétition d'une troupe de théâtre en sursis. Et c'est l'idée absolument géniale de ce film : les acteurs de cinéma ( Carole Lombard, Jack Benny...tous excellents) vont jouer des acteurs de théâtre qui vont jouer à être des nazis (pour sauver la résistance) en s'introduisant au coeur de la hiérarchie du Reich construite elle-même sur les artifices et la mise en scène (tous les officiers "sur-jouent" leur rôle pour plaire au Führer ou à ses sbires).
Comme Chaplin dans le Dictateur, Lubitsch met en évidence par l'absurde l'inanité du pouvoir des chefs qui réussissent à imposer leur pouvoir au peuple uniquement parce que celui-ci a accepté d'être dupe de leur jeu, de leur mise en scène, de leurs discours. Mais lorsque les bouffons nazis trouvent plus fort qu'eux en matière de théâtralité, c'est leur toute puissance, leur morgue qui se retrouvent anéanties, ridiculisées par la force de l'intelligence. Ainsi du dignitaire allemand (le traitre) dont le pouvoir ne semble tenir aux yeux de ses subalternes (extraordinaire Schultz) que par la géométrie variable et capricieuse d'une...barbichette !
Oui, un film génial où de petits acteurs de théâtre font la nique à ceux qui ont prétendu vouloir être les grands acteurs de l'Histoire.
Un grand réquisitoire contre le fascisme.
Un grand film sur le pouvoir des apparences.
10/10