Carter est resté comme le président (39e) d’un seul mandat (1977-1981) avant d’être balayé par Reagan. Et pourtant, le temps nous montre les qualités de cet homme, qui a commis des erreurs lors de sa présidence mais qui a aussi œuvré pour la paix, en particulier au Moyen Orient (avec les accords de Camp David signés en 1979 entre Israël et l’Egypte). Plus que le Chef d’Etat, c’est au passionné de musiques que ce documentaire de 90 mn s’intéresse. Il faut le voir, interviewé au début en 2018, poser un disque de Dylan sur sa platine et les 1ères notes de « Mr Tambourine Man » retentissent, un grand sourire radieux illumine son visage ! Il vient de Georgie et dans cet état du sud, il a grandi en écoutant du gospel (il en connait de nombreux par cœur) mais aussi du jazz (par la radio) et de la country. Pour lui, la ségrégation raciale n’avait aucun sens, il a même grandi dans un quartier majoritairement noir. Il est aussi fan de rock et permettait à ses fils d’utiliser sa platine quand ils étaient jeunes pour se tenir au courant des nouvelles musiques. Un de ses anciens conseillers le décrit comme une «véritable encyclopédie musicale » : il a même reçu Vladimir Horowitz à la Maison Blanche. Dès qu’il est gouverneur de Georgie, il organise des concerts avec Dylan, le Allman Bros Band, Marshall Tucker Band et son grand pote Willie Nelson (une amitié indéfectible est née entre eux, ils viennent du même lieu et des mêmes origines populaires), il raconte d’ailleurs que Dylan et Greg Allman sont alors devenus ses amis.
Lors de sa campagne pour la présidentielle, après le Watergate, il fait venir le Allman Bros Brand, Charlie Daniels pour récolter des fonds…et lors de son investiture, Aretha Franklin (grandiose, comme d’habitude pour chanter « God Bless America »), Paul Simon, et il est même présenté par…John Wayne ! Pas précisément un Démocrate mais sans doute sensible à la risée qu’avaient été les Etats-Unis à la suite du Watergate. A la Maison Blanche, il a fait venir des artistes aussi variés que Dizzy Gillespie (chantant même « Salt peanuts » avec lui !!!), Muddy Waters, Sarah Vaughan. Les témoignages de Willie Nelson, Dylan (dithyrambique à son sujet, très, très rare !), Bono ou encore Chuck Leavell (Allman Bros Band, Rolling Stones) sont très éclairants. Quand est survenue la prise d’otages américains à l’ambassade de Téhéran, Carter s’est enfermé dans son bureau en écoutant un disque de gospel de Nelson. En décidant de ne pas intervenir pour ne pas risquer la mort de ces otages, il a été écrasé aux présidentielles qui ont suivi, ses adversaires le montrant comme un faible voire un lâche. Dès l’élection de Reagan, les 52 otages ont été libérés vivants. En réalité, c’est un homme de paix qui n’a pas tout réussi ce qu’il a entrepris (en 4 ans c’était impossible) mais sans faire dans l’hagiographie façon Bono, on sent un homme sensible et intelligent pour qui la musique dans toute sa diversité est un moyen essentiel de rassembler les gens quelle que soit leur génération, couleur de peau, leur origine ou leur religion. Quand on voit à quel point les États-Unis sont devenus aujourd’hui un pays fractionné et tendu presque jusqu’à la rupture, le message est à méditer bien sûr. En 2024, à 100 ans, il a été un des 1ers à voter sans s’en cacher pour Kamala Harris et son pote Willie Nelson, 91 ans, a chanté pour elle. Ca n’aura absolument rien changé au résultat final mais à un moment où les droits et les libertés fondamentales risquent d’y être remis en question par le nouvel occupant de la Maison Blanche, c’est bon à rappeler.