Jinpa est étonnant à bien des égards. D'abord, un film tibétain on n'en voit pas tous les jours. Ce faisant, ce sont une esthétique, des histoires, des manières de penser et des paysages complètement inconnus qui se dévoilent peu à peu sous nos yeux - en l'espace de quinze minutes, de cinq lignes de dialogue et d'un mouton écrasé très exactement.
Il est surprenant ensuite de découvrir ce film au format 4:3. Alors qu'il est devenu tellement rare de le voir de nos jours - presque caduc - la surprise est d'autant plus agréable que la forme est complètement maitrisée : Pema Tseden s'amuse avec son cadre, joue sur les symétries, n'hésite pas à trancher les visages en deux. Dans ce film qui se situe entre le conte et le road-movie, les nombreux plans routiers alternent entre ceux, fixes et presque d'une autre époque, d'un intérieur folklorique et ceux quelque peu plus angoissants d'un camion se déplaçant lentement dans un paysage cendreux.
C'est dans ce cadre surréel que prend place l'histoire fantasmagorique de Jinpa. Il s'agit de celle d'un routier qui prend en stop un homme cherchant le meurtrier de son père. Autour de cette trame, nous suivons toutes les circonvolutions mentales de ce pauvre routier, dont on ne sait jamais trop s'il est dépassé par des évènements qu'il subit ou bien au contraire totalement maître de sa destinée. Jusqu'au bout du film, les interrogations qui peuplent le film perdurent, par moment accompagnées d'une jolie tension.
Et ce n'est pas cette fin à la fois inattendue et ouverte qui nous apportera une quelconque réponse.
Enfin, ce film s'auréole d'une superbe gestion du son. Parfois volontairement insupportable comme peut l'être son protagoniste, et parfois d'une belle douceur comme peuvent l'être ces montagnes grisâtres qui s'étendent à perte de vue, il participe totalement à l'atmosphère si particulière de cette histoire. Et la musique, rare, termine de donner à cet aspect du film tout son génie.
En bref, une très chouette découverte qui regorge de bonnes idées, qui se tient de bout en bout, contemplative comme il faut et délicatement philosophique, tout ça à travers une histoire de vengeance venue d'un autre monde.