JODOROWSKY’S DUNE (2016) de Frank Pavich :
Ce documentaire épatant retrace le projet ambitieux avorté du producteur Michel Seydoux de confier l’adaptation du roman «Dune» (remarquable livre de la Science-fiction de Frank Herbert) au singulier cinéaste mexicain Alejandro Jodorowsky en 1975. Le réalisateur fort de ces deux succès précédents, les cultes El topo (1970) et La montagne sacrée (1973) accepte le défi ayant carte blanche, et commence à réunir une troupe de «guerriers spirituels» pour offrir au monde une œuvre pharaonique en créant «un prophète pour changer les jeunes esprits du monde entier».
Frank Pavich s’empare de cette histoire incroyable pour mieux imprimer la légende de ce film de tous les fantasmes. En s’appuyant principalement sur les témoignages du mégalomane et truculent Jodorowsky, regorgeant de malice et de verve et sur les récits des différents artistes qui devaient être associés à ce long métrage hors norme la mise en scène reste étonnamment classique par rapport au personnage et au gigantisme du projet rêvé. Ce film qui n’existe pas devient une épopée qui prend littéralement corps sous nos yeux grâce à l’un des deux énormes story board ultra détaillé sur tous les plans, costumes, décors, lieux etc ayant été confectionné pour tous les studios américains afin d’obtenir leur aval pour dépenser l’argent nécessaire. On découvre avec réjouissance petit à petit tous les travaux de créations réunissant des artistes graphiques (Moebius, Chris Fross, H.R. Giger…), et avec quelle ingéniosité il va recruter des stars aussi différentes (Orson Welles, Mick Jagger, Salvador Dali, Amanda Lear, Udo Kier) sans oublier le talentueux Dan O’Bannon pour les futurs effets spéciaux et Pink Floyd et Magma contactés pour composer une partition sombre et cosmique à un film qui devait durer entre 12h et 20h ! Avec enthousiasme on suit l’évolution et le développement de l’entreprise pendant deux ans avant qu’elle ne s’écroule sous le sceau financier, mettant fin à l’ambition de cette œuvre artistique, échouant plus tard dans les mains de David Lynch pour un «Dune» médiocre et décevant. Ce documentaire pertinent sert de magnifique parabole sur le monde de l’art face au diktat de l’argent, et démontre ô combien cette œuvre qui n’a jamais vu le jour a pourtant influencé considérablement l’esthétique du cinéma de science-fiction, de la saga Star Wars en passant par Blade Runner, Alien, Matrix, Prometheus etc... On notera outre l’aspect bien sage de l’aspect formel du film, un petit manque critique d’opposition vis-à-vis de ce trip halluciné qui ne vit pas le jour.
Mais venez découvrir avec curiosité ce cinéaste surprenant, visionnaire, démentiel dans cet inclassable projet maudit Jodorowsky’s Dune, pour rêver avec excitation à ce monument cinématographique n’ayant jamais vu le jour néanmoins, si vivant en nous après la projection... Passionnant, divertissant, captivant et fascinant.