En 1972, l'âge d'or du western est passé. Peckinpah est venu le démolir avec La Horde Sauvage (1969) et Leone lui a offert de fastes funérailles avec Il était une fois dans l'Ouest et la Révolution. C'est l'année où sort Jeremiah Johnson (de Pollack) mais c'est déjà l'ère d'après, où le genre peut être déstructuré sans grande incidence puisqu'il n'y aura plus de mouvements, comme dans les sixties avec son western spaghetti et les dérivés (zapata, fayot, etc). C'est dans ce contexte que John Sturges, auteur de films d'action et de westerns aux bénéfices juteux (en tête les 'classiques' La Grande Evasion et Les sept mercenaires), conçoit Joe Kidd. Ce divertissement affable cumule sophistication visuelle, action poussive et état d'esprit bituré, avec surgissement de train dans un saloon pour marquer le coup.
Le cinéaste est en fin de carrière et le genre s'effondre, mais en tête d'affiche est placé Clint Eastwood, un des héros de la trilogie du dollar de Leone, devenu un des acteurs les plus bankable d'Hollywood. Son succès est tel qu'il a pu se permettre un premier long-métrage en tant que réalisateur : Un frisson de la nuit, point de départ du pan de sa carrière le plus passionnant. Dans Joe Kidd, Eastwood joue son personnage conventionnel de misanthrope adapté, un ton en-dessous. Il dégaine peu, s'oppose avec modération, sa distance confine à l'indifférence, son activisme est mécanisé au point d'en perdre sa ferveur badass presque involontaire. Cette dimension de son jeu sera exacerbée par la suite, notamment au travers de L'Homme des Hautes plaines (l'année suivante), puis passée à la question, notamment dans les films où Eastwood se met lui-même en scène (Impitoyable).
Joe Kidd est un western banal, si léger qu'on en viendrait à lui trouver des postures de dédain envers le genre qu'il emprunte. Nul contenu critique pourtant, c'est un divertissement où des talents envoient la marchandise, avec une paresse tempérée et ce qu'il faut de style. Le départ joue d'une certaine médiocrité, lors de l'apparition d'Eastwood au tribunal, perturbée par l'intrusion d'un troupeau de bourrins. Arrive un autre groupe, plus mesquin, emmenant vers les véritables enjeux au programme, c'est-à-dire la traque d'un homme. C'est le bal des connards, ça jure tout le temps, le scénario et la cohérence sont assez élagués pour libérer les molles (mais sereines) énergies. Les justifications de bases sont assez bancales, avec cette petite ville quasi vidée en apparence (certains dialogues le démentent) où tant de monde se retrouve, en étalant leur hargne mais en souffrant apparemment de l'existence de murs invisibles. Joe Kidd : happening nonchalant et sans gloire.
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