Avant de se contenter de livrer des remake live action de ses films d’animation, Disney était encore motivé à proposer de nouvelles franchises afin de concurrencer Lucas et Cameron sur leur propre terrain. Pourtant au début de la dernière décennie, Disney n'était pas à la fête malgré le rachat des studios Pixar et Marvel, et L’Apprenti Sorcier censé rivaliser avec Harry Potter sera un cuisant échec financier au même titre que Prince of Persia. La tentative de ressusciter le héros masqué de The Lone Ranger au côté de Johnny Depp afin d’en faire le relais conceptuel de la saga Pirates des Caraïbes dans le monde du western sera très mal accueilli outre altantique et ce nouvel échec sonnera le glas de la collaboration avec le producteur Jerry Bruckheimer. Mais la plus grande catastrophe industrielle du studio restera sans nul doute celle de John Carter tablé à 250 millions de dollars dont 100 furent alloué à la communication. Ironiquement les colportages et rumeurs infondées auront directement contribué à enterrer le film avant sa sortie en salle et conditionné à établir une mauvaise réputation. L’échec sera tel que le président de l’époque Rich Ross sera démissionnaire, jugé principal responsable de ces dépassements budgétaires lié aux nombreux reshoot opéré par son réalisateur.


Dans son optique de proposer des divertissements à la fois ambitieux avec un ton plus adulte, Disney va adapter le premier volume du Cycle de Mars de l’auteur Edgar Rice Burrouths. Cette œuvre avait déjà faillit être transposé au cinéma dans le passé par le maître de la stop-motion Ray Harryhausen avant que le studio n’en rachète les droits dans les années 80. Le projet est d’ailleurs passé entre les mains de John McTiernan, Robert Rodriguez ou encore Jon Favreau avant d’atterrir dans celles d’Andrew Stanton dont il s’agissait du premier film en prise de vues réelles puisqu’il avait auparavant livré plusieurs films d’animation hautement estimé et oscarisé pour Pixar (Le Monde de Nemo, Wall-E). Un choix intéressant puisque la moitié des comédiens qui existent à l’écran le sont par le biais de la motion capture. L’autre grande réussite est à mettre au crédit de ses décors naturels là où Georges Lucas aura préféré l’abondance de fonds verts. Pour autant, John Carter s’avère parfois plus aléatoire dans l’utilisation de ses CGI qui souffrent clairement de la comparaison avec ceux de Avatar sortie quelques années plus tôt. Mais si on pouvait éventuellement reprocher à James Cameron d'avoir une vision manichéiste, c’est déjà moins le cas ici où l’intérêt des factions n’est pas toujours complètement définit. Le personnage s’inscrit d’ailleurs dans la grande tradition des anti-héros hollywoodien individualiste, malin, roublard qui agit par appât du gain avant d’épouser une cause pour sauver la demoiselle en détresse et gagner le droit de l’épouser.


Ce curieux mélange des genres entre western et science-fiction aura néanmoins pu désarçonner quelque peu le public qui ne s’y est pas forcément retrouvés, bien que quelques mois plus tôt Cowboys & Envahisseurs de Jon Favreau avait tout de même fait son petit effet au box office. Le travail avait pourtant été réalisé en amont afin de livrer un divertissement qui puisse plaire au plus grand nombre avec son bestiaire de créatures fantastique et extravagantes, ses technologies futuristes, ses morceaux de bravoure et batailles épiques et ses intrigues de palais en costume qui évoque les vieux péplum d’antan. Dans ses moments d’égarement au milieu des cratères rocheux et des dunes ensablés, John Carter tutoierai presque Lawrence d’Arabie. Le réalisateur a également eu le mérite de ne pas céder à un humour trop référentiel et d’utiliser les galères gravitationnel de son héros comme d’un avantage sur ses adversaires et d’un ressort comique qui lui permettra de réaliser des bonds prodigieux et d’échapper à n’importe quel danger qui se dresse face à lui. Si Taylor Kitsch pensait avoir trouver en John Carter le rôle de sa vie, nul n’est prophète en son pays et sa carrière ne s’en relèvera jamais au même titre que Lyn Collins. Disney en attendait peut-être trop de sa fresque science-fictionnel et n’y croyait en même temps pas suffisamment.


Bien que le film propose un univers assez foisonnant, on a souvent reproché à tort ou à raison ce sentiment de déjà-vu. Mais si certaines séquences de l’œuvre comme celle de l’arène paraissent aussi familière pour les spectateurs c’est bien parce que le roman a influencé de nombreux cinéastes et même redéfini le monde du space opera tel qu’on le connaît depuis et à ce titre John Carter est finalement une adaptation assez fidèle de l'oeuvre d’origine. Georges Lucas s’est évidemment abreuver de cette influence pour enrichir sa création, tout comme James Cameron et un certain Luc Besson qui a également souffert de cette comparaison (Valérian et la Cité des mille planètes). En revanche, rarement un blockbuster de cette ère ne nous aura paru aussi daté dans l’élaboration de son intrigue. Le background scénaristique n’est qu’une parabole grossière d’un autre temps où les conflits larvés entre tributs d’autochtones marsiennes font écho à l’implantation violente des Etats-Unis ainsi qu’à la guerre de sécession auquel a d’ailleurs pris part le héros dans le camp confédéré. La scène de carnage où John s’épuise dans un combat dantesque monté parallèlement à son trauma passé est assez représentatif de la manière dont le film élabore sa propre mythologie, soit avec la finesse d’un gros singe blanc, comme la révélation de cette petite oligarchie qui manipule les civilisations pour les faire s’entre-déchirer et tirer profit de leurs ressources naturelles. Diviser pour mieux régner, ainsi va le monde, y compris chez Disney qui était alors surtout préoccupé par le rachat de Lucasfilms et des profits substantielles à venir avec cette main-mise sur la prolifique saga de Lucas comme ce gisement d’or que John Carter n’aspirait qu’à retrouver avant de se lancer dans cette aventure. Pourquoi prendre des risques quant il suffit de produire du neuf avec du vieux ?


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Le-Roy-du-Bis
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le 18 juin 2024

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