Le cinéma portugais, où une terre inconnue : c'est en partie ce qui m'a poussée, en une journée morose et grise, à m'aventurer dans l'univers sucré et ensoleillé de John From – sucré et ensoleillée, ce qu'annoncent les synopsis divers et variés. Des mots qui correspondent certes, mais largement insuffisants. A la fois taillés pour la carrure, et pourtant peu représentatifs.
John From, c'est un étrange objet, une sucrerie au goût inhabituel, une sensation qui s'apprivoise un certain temps, puis qui finit par happer. Les premiers temps sont contemplatifs, balançant entre les subtils raccords et sous-entendus et le regard passif qui se promène sur un été, la périphérie de Lisbonne, le soleil et le calme pour amis. Les mouvements de caméra sont comme indépendants de celles qu'on suit, ces deux adolescentes qui respirent la santé et la simplicité, juvéniles sans effleurer un seul instant une quelconque niaiserie. Ni rébellion, ni guimauve chez Rita et Sara, qui entretiennent la plupart du temps des dialogues plats, presque creux. Mais là se trouve toute la force. La torpeur est prête à vous gagner – alourdis par ce soleil omniprésent, attentifs à la l'esthétique et à la superbe photographie, mais légèrement somnolents, suivant l'histoire tout en rêvassant.. - quand soudainement, la transition s'est opérée, à travers le bleu et les fleurs, le béton et la fumée.
Tout devient plus profond, plus élégant, la symbolique de l'amour naissant est merveilleusement illustrée – et sans une once de mauvais goût, malgré l'écart d'âge important qui sépare la jeune amoureuse (Rita) et l'objet de sa convoitise (le nouveau voisin, père mystérieux/photographe/barbu d'une petite blondinette). Sans prévenir, on bascule dans un onirisme délicieux, une prolongation rêveuse et exotique de l'imaginaire de celle qui soupire et espère. Et soudain, la beauté, la pensée qu'on est devant une petite perle, cachée sous une coquille loin de laisser présager ce qu'on y trouve. A partir de là, le rationnel et la logique n'ont plus leurs places. C'est jouissif.
Mais n'oublions pas non plus la musique, portant d'un bout à l'autre émotions et séquences. Une musique faite de soleil, de souvenirs innocents, de langueur et de frustration. Une musique qui englobe et qui sublime, qui est représentée sous diverses formes, actuelles et technologiques ou plus traditionnelles, de l'Ipod qui révèle le destin en chanson, en passant par l'orgue que tente d'apprivoiser Rita, jusqu'à la bande originale qui se calque sur les déplacements du corps et de l'esprit.
Les peaux y sont fraîches, les rapports y sont naturels, les gens y sont heureux, ce qu'on y voit réchauffe l'âme et le corps. On en ressort le sourire aux lèvres. John From, un film qui se décrit définitivement très mal, au risque d'en faire un portrait peu flatteur ou trop élogieux – pour moi, la balance a malheureusement flanchée – mais qui mérite, je le crois, un visionnage avec une simplicité sincère, à la hauteur de ce que propose Joao Nicolau.