Très en-dessous de "Bean" et ses "Vacances"
Pour beaucoup, l’exportation de l’univers de Mr Bean vers le cinéma s’est soldée par un ralentissement des performances du schizoïde le plus méchant de la culture populaire. C’est l’avis général, celui des spectateurs, d’une majorité de fans, des critiques et des érudits employés à dresser des commentaires avisés et indépendants sur Tele7jours. Johnny English fut donc l’occasion de donner un second souffle au personnage devenu produit. Le film abandonne plusieurs spécificités de Bean, notamment son autisme et décale son univers vers des terrains usés, le mettant ainsi en concurrence avec d’autres parodies du cinéma d’espionnage. Dans les pas d’Austin Powers, Bean est désormais l’agent spécial ambassadeur du brio britannique et de sa Reine.
Ce nouveau cap est assumé et le charme des transformations opère ; bavard, expansif, Bean s’éveille à la vie, il devient plus humain tout en demeurant une sorte d’extraterrestre lunaire, un peu dandy érudit. Il se prend pour un gentleman à la façon de l’OSS 117 de Hazanavicius mais sans l’arrogance. C’est Professeur Tournesol dans la peau de l’agent James Bond. Sa façon de s’auto-commenter sans cesse est une riche idée qui toutefois ne se mue jamais en victoire comique, faute d’originalité dans le ton.
Ce Bean réformé déambule ainsi tout le long de la pellicule, jouant à l’agent secret, expérimentant avec nonchalance et conscience son nouveau rôle, s’appliquant parfois à la perfection avec un sérieux ridicule. Johnny English n’est pas une seconde à la hauteur de ses ambitions, pourtant chacun semble s’en accommoder. Il parvient même curieusement à faire illusion dans certains cas graves et nécessitant une intelligence stratégique ou émotionnelle importantes (alors qu’il est capable, dans la foulée, de s’affirmer »agent secret » à la vue de tous pour justifier ses bourdes). C’est le même coup que dans le film Bean, mais lors d’une action sur trois ici, pour peut-être trois fois dans la première escapade ciné.
Sans surprise, le film n’existe que par les pitreries d’Atkins ; tout le reste est d’une simplicité bénigne (pour ne pas détourner l’attention?). Ceux qui ne sont pas disposés à apprécier le personnage ou ses facéties tâcheront de se rabattre sur la prestation de John Malkovich. Mais qu’il ne soient pas trop gourmands, car ce méchant inattendu se révèle bien fade.
Cette platitude (assumée) empêche Johnny English de proposer une sortie de secours ; il faudrait du génie comique ou même une logorrhée burlesque plus soutenue pour que le film ne semble pas aspiré par le vide. Or Johnny English, parce qu’il n’a qu’une seule facette, s’épuise en mi-parcours. L’atmosphère est plus franchement »débile » que vaguement »absurde » et quelques gags aimables sont parsemés, avec même une certaine générosité ; malgré un regrettable humour »verbal » franco-british, quelques grosses farces, pas très fraîches et souvent plus sympathiques dans l’idée qu’à l’écran, savent inspirer un jugement clément, mais peu complice.
Le concept est simple : suivre une ligne droite et fermée mais en la parasitant sans cesse. C’est peut-être ludique, mais le résultat est au moins aussi conventionnel que le modèle qu’il moque. La linéarité, l’absence de surprises, d’évolutions du récit, rende le spectacle atone, malgré tous les effets déployés.
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Même Les Vacances de Mr Bean, aux qualités cinématographiques assez modestes, fonctionnait largement mieux, car le film était rempli d’aventures improbables, en perpétuelle mutation. Avant qu’une intrigue plan-plan ne reprenne le dessus histoire de justifier l’ensemble, le spectateur ne savait jamais à quoi s’attendre ; le scénario était là aussi un prétexte, mais l’univers à tiroir proposait mille et unes diversions ; Johnny English, lui, est un jeu de piste. Pour la prochaine, penser à ouvrir l’attraction à tous les publics et non plus seulement aux enfants.
http://zogarok.wordpress.com/2012/01/15/seances-express-n1/