En s'appuyant sur un scénario bien écrit du talentueux Philip Yordan, Nicholas Ray réalise un classique du western et semble rester fidèle aux conventions du genre ; ça débute en effet comme tout film de cowboy qui se respecte, par l'arrivée d'un cavalier solitaire dans une bourgade désertique, et dont le trajet s'arrête devant un saloon isolé dans un paysage fantôme. Mais les relations entre les personnages prennent un visage inhabituel pour un western : la tendresse qui unit Vienna au guitariste, l'opposition véhémente entre 2 femmes, la volonté destructrice d'Emma et de McIvers possèdent une surprenante intensité.
Les figures centrales des films de Ray sont souvent des hommes désemparés qui cachent leur vulnérabilité sous une carapace et des airs de matamore ; c'est le cas ici, où les hommes cèdent la place aux femmes. Ils font presque de la figuration et sont pratiquement des témoins face à la lutte à mort qui s'engage entre Vienna la tenancière de saloon, libre et indépendante, et Emma cette vieille fille prude et acrimonieuse. Ce personnage semble symboliser en même temps l'incarnation haïe du maccarthysme qui rongeait l'Amérique au moment de la réalisation du film.
En fait, le personnage de Johnny Guitare est relativement secondaire, le récit se focalise sur l'affrontement entre les 2 femmes. Ces personnages inhabituels, cette peinture romantique des faits et cette envolée lyrique qui le composent ont fait de ce western un drame flamboyant construit comme une tragédie antique dans lequel les passions, la haine, l'amour, la jalousie, la violence et la mort se livrent un combat troublant. A tout cela s'ajoute un traitement de la couleur plutôt agressif formé par le contraste entre les habits noirs de McIvers, d'Emma et des miliciens avec ceux colorés des bandits et de Vienna. De même que l'ocre des rochers contraste avec le vert des arbres.
Tout ceci, cette vision d'un Far West désenchanté et baroque, au lyrisme échevelé, ne m'a pas séduit comme je l'aurais voulu, et de ce fait, le film ne figure pas dans mon panthéon des westerns majeurs. Bien qu'il soit considéré comme un chef-d'oeuvre et adulé par une flopée de critiques et de spécialistes du western, il me laisse indifférent, cette ambiance me rebute, ce drame ne me touche pas, cet aspect théâtralisé me gêne, les longs plans fixes lors des scènes de dialogues dans le saloon sont étranges, et certaines situations sont surprenantes. J'y reconnais cependant une oeuvre intéressante avec certaines qualités, notamment son interprétation : Sterling Hayden est inoubliable en hors-la-loi repenti et trouve le rôle de sa vie, Joan Crawford, actrice que je n'ai jamais aimée, y trouve aussi un rôle mémorable de femme obstinée et énergique, Mercedes McCambridge est formidable en rivale obsédée par la haine, et le reste du casting comme Ward Bond, Scott Brady ou Ernest Borgnine sont d'excellents suppléants.

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le 20 avr. 2017

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Ugly

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