ON THE ROCK : JOJO RABBIT OU LA POÉSIE SATIRIQUE

Ce film, d’une intelligence sans faille aussi bien sur le plan scénaristique que dans la composition esthétique, est une profonde ode à l’humanité, qui sur un fond juste d’humour, permet de comprendre et d’aborder sous un angle différent une période noire de notre Histoire : la Seconde Guerre Mondiale. Aux frontières du burlesque et de la tragédie, cette nouvelle production (11e du nom) du réalisateur Taika Waititi apporte un vent rafraîchissant et savoureux dans une époque aride et amer. A La lumière d’un fanatisme terrifiant et d’un profond témoignage sur l’horreur de la guerre, le réalisateur arrive avec une justesse déconcertante à proposer une comédie dramatique digeste.

Adaptation cinématographique de l’ouvrage de Christine Leunes : « Le ciel en cage », Jojo Rabbit raconte l’histoire d’un jeune garçon de 10 ans, Jojo Betzler (Roman Griffin Davis), qui rêve de faire partie de la garde rapprochée du führer. Grandissant dans un monde de propagande, Jojo tente de faire partie, en vain, de la jeunesse Hitlérienne. L’un des principaux intérêts de cette histoire et de comprendre, sous les couches d’humour apportées par les dialogues et la présence des personnages, l’angle de vue des enfants grandissant dans un monde de haine, de rejet, de rancœur fondée sur des mythes mensongers, politiquement construits.

Car oui, Jojo Rabbit est une satire politique et sociétale dans laquelle Waititi s’attaque aux vices et aux ridicules du fanatisme hitlérien (et général). Un fanatisme qui vole l’insouciance et militarise l’enfance. Un fanatisme qui détruit l’humanisme de chacun en prônant le rejet des différences et des croyances. Mais l’intelligence que je soulignais précédemment réside principalement dans la manière qu’a Waititi de raconter son récit, à savoir sous les traits d’une poésie humoristique. Car ce film est empreint de poésie et est capable de retranscrire, faire sentir, exprimer la beauté des choses dans un contexte de noirceur opaque et oppressante.

Par poésie, je souligne également la présence d’un certains lyrisme retranscrit au travers des personnages principaux, dont la présence et le charisme sont réussis et donnent à l’histoire tout son sens et sa force percutante. Soulignons le jeu extraordinaire de Roman Griffin Davis (Jojo) et de son compagnon imaginaire qui n’est autre que le réalisateur Taika Waititi (Adolf), d’Archie Yates (Yorki) qui avec le talentueux Sam Rockwell (Capitaine Klenzendorf) sont mes personnages préférés et sans lesquels le film n’aurait pas eu la même saveur, mais également Scarlett Johansson (Rosie Betzler), Thomasin McKenzie (Elsa Korr), Rebel Wilson (Fräulein Rahm) ou encore Alfie Allen (Finkel).

La poésie de ce film réside dans l’équilibre déconcertant entre humour et effroi que Waititi a réussi à créer. Un humour de running-gag, parfois d’une lourdeur assommante mais qui se rattrape toujours par une justesse des dialogues ; additionné à un effroi face aux pulsions meurtrières, aux jeux d’armes et d’instrumentalisations. Ce mix octroie à l’histoire et aux images une force incroyable qui m’a fait basculer, avec une rapidité hallucinante, des rires aux larmes.

Cet humour est également illustré par cette relation imaginaire entre Jojo et Hitler, qui temporise les différents stades d’évolution de la mentalité de notre protagoniste et qui maintient un rythme dans la continuité des gags et du récit tragique.

L’équilibre de cette poésie satirique réside également dans la légèreté apportée par la vulgarisation et le détournement du discours et d’éléments de l’idéologie nazi, comme l’illustre avec perfection le génialissime Capitaine Klenzendorf, qui porte lors de la bataille finale un uniforme customisé qui fait échos à la beauté du discours Queer.

En sommes, Jojo Rabbit est vraiment un bon, très bon film. Un long métrage poétique et satirique qui pousse également, à mon sens, à réfléchir sur la situation de nos sociétés actuelles au sujet des dangers du fanatisme contemporain et sur la montée exponentielle du populisme.

BaptisteBLL
9
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le 29 janv. 2020

Critique lue 479 fois

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Baptiste BL

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