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Je pense être actuellement l'une des rares personnes à n'avoir pas du tout apprécié ce métrage, ce texte est donc bien entendu subjectif. Tout d'abord, je tiens à souligner que j'aime beaucoup le travail de Taika Waititi en tant que réalisateur, acteur ou scénariste. Je suis en général bon public de son univers atypique et déjanté. Sa co-réalisation sur What we Do in the Shadows a offert l'un des meilleurs films de vampires qui soit. De même, je soutiens que Thor : Ragnarok est l'un des rares films des studios Marvel à avoir une personnalité propre. Je précise que rien de ce que vous lirez ici ne vous en dira plus que les bandes-annonces et le synopsis de base, pas de crainte de spoilers donc !


Autant vous dire donc que j'attendais Jojo Rabbit avec une certaine impatience sans toutefois y espérer une oeuvre révolutionnaire. Aussi, avant de commencer plus concrètement à énoncer ce qui pour moi ne fonctionne pas dans ce film, il me semble juste de parler de mon rapport à l'humour en terme général.
L'humour noir est un concept me parlant énormément. Il est souvent dit : "On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui" - Idée avec laquelle je suis entièrement d'accord. Cependant, il me semble important de rajouter que l'on peut rire de tout, mais pas n'importe comment. Je m'en vais m'expliquer sur cette phrase qui à mon sens justifie ma vision négative de ce nouveau long-métrage.


Faire de l'humour sur les horreurs de la Deuxième Guerre Mondiale, le nazisme et plus particulièrement Adolf Hitler est quelque chose ayant déjà été fait à de nombreuses reprises. À mon sens, c'est un humour noir pouvant très bien marcher si son utilisation est justifiée et surtout bien gérée. Le risque est présent lorsque l'on s'attaque à de tels sujets, l'humour pouvant parfois friser avec l'irrespect. Si l'idée de nous offrir une parodie/satire de concepts/personnages de cette période de l'histoire seule deux choix (du moins principalement) s'offrent concrètement :
1) La parodie n'ayant pas de limite proposant une vision sans limite et pleine de débauche. Dans cette catégorie nous retrouvons par exemple Iron Sky ou bien encore Kung Fury.
2) Drame humoristique ayant pour but de nous faire réfléchir/réagir, comme par exemple La vie est belle, La grande vadrouille ou plus récemment Look Who's Back (qui est à mon sens l'anti-Jojo Rabbit).


Jojo Rabbit veut se trouver dans la seconde catégorie.
Son but est clair : faire réfléchir sur les malheurs de la guerre en se basant sur la jeunesse hitlérienne à travers un humour loufoque, mais portant à réflexion. Nous suivons Jojo, jeune enfant adorateur du nazisme et de son principal dirigeant qu'il a d'ailleurs pour ami imaginaire. Ce personnage fantasmé est joué par Waititi lui-même. Jojo est le symbole même de cette jeunesse corrompue, dévoré par les idéologies de l'extrême droite allemande de l'époque. Le point de vue est intéressant dans un premier temps. Très vite cependant le film tente de dédramatiser complètement cette tension offerte par son sujet de base et ça sera le principal défaut de celui-ci ; il ne sait jamais où se placer vis-à-vis de son propos.
L'ami imaginaire de Jojo, Adolf Hitler en personne ne sert à rien au sein du long-métrage. C'est pourtant l'argument vendeur et il ne sert qu' à dédramatiser la tension lors de quelques séquences rapides. Je pense que les scènes de discussions entre le jeune enfant et le dictateur allemand ne doivent pas dépasser sept minutes d'écran mises bout à bout. Certains me diront qu'il vaut mieux une utilisation réduite mais réussie de ce concept plutôt qu'une accumulation envahissante et inutile (idée avec laquelle je suis entièrement d'accord). Cependant ici à aucun moment cela ne sert réellement le récit, cet élément est plus que tertiaire. Certes, cela peut signifier qu'Hitler possède une influence constante sur cette jeunesse allemande (et sur l'Allemagne en général), mais si tel est le cas, c'est tout de même selon moi assez mal utilisé du fait de sa non-pertinence absolue au sein du film. Si vous revisionnez le long-métrage, vous constaterez que si l'on enlevait ces scènes cela ne changerait en rien le récit ou le message. Cela peut être considéré comme embarrassant tant l'utilisation de cette figure tristement célèbre se doit d'avoir un sens ou de jouer la carte de l'absurde absolu ce qui n'est pas le cas ici.


Le problème, comme dit plus haut, c'est que jamais le long-métrage ne choisit concrètement sa direction à suivre. Presque chacune des séquences (que celles-ci soit humoristiques ou dramatiques) se retrouvent systématiquement brisée en termes de tension et ce dans leur propre continuité. Il est évident que ce choix est volontaire et fait partie du style de Waititi. Cependant, sur un film traitant d'un sujet pareil, il est à mon sens primordial de maîtriser et respecter les concepts abordés à l'écran.


Les personnages sont eux-mêmes responsables de ces trop nombreux et brusques changements de ton. Que cela vienne des membres de la Gestapo qui, en cinq minutes de temps d'écran, ne cessent de jouer aux funambules entre les horreurs des rafles et les blagues sur le salut hitlérien. Le même problème touche les personnages des comédiens Sam Rockwell et Rebel Wilson qui sont de pures "comic relief" et dédramatisent systématiquement toute tension même lors de séquences voulues clairement comme dramatiques (je pense notamment aux scènes de fin dans Berlin, les personnes ayant vu l'oeuvre comprendront). Rockwell, en plus de jouer l'un de ses rôles les plus recyclés et inintéressants, ne sert vraiment qu'à obtenir une cassure dans le ton. Wilson , de son côté, représente le pire cliché de l'Allemande boulimique et raciste à l'extrême dans un film qui lui tente pourtant d'esquiver cette vision à plusieurs reprises.
Les acteurs ont du mal à mon sens à donner un jeu crédible à part Scarlett Johansson qui est peut-être le seul personnage relativement crédible, car s'accordant du début à la fin avec la diégèse. Le jeune acteur incarnant Jojo ne sait pas où se situer entre la comédie et le drame se succédant systématiquement, ce qui rend son personnage finalement assez insupportable à mon sens, car offrant une montagne de clichés.
Il est cependant intéressant de filmer le personnage d'Elsa (la jeune juive cachée dans les murs de la maison de Jojo) comme un monstre lors de sa première apparition, la même façon qu'a le jeune garçon de la voir. Cependant, en terme de cohérence c'est une autre histoire, mais je l'accepte. En revanche la faire jouer lors de ses premières séquences un personnage à la Heath Ledger dans The Dark Knight pose beaucoup plus question. Il est difficile d'imaginer quelle serait notre réaction (du point de vue de Jojo ou d'Elsa) face à pareille situation, mais il est évident que nous sommes très loin d'une réalité plausible et je trouve cela fortement embarrassant.


Les séquences de deuils ou de guerres sont pourtant assez réussies et offrent de vrais moments dramatiques. Pourtant jamais cela ne fonctionne ; que ce soit Sam Rockwell en tenue ridicule sur le champ de bataille ou l'ami de Jojo détruisant par une maladresse ridicule un bâtiment (cet enfant est donc responsable de pas mal de décès, mais le film préfère passer cela sous silence et prendre ça à la rigolade), jamais le film ne décide d'assumer ses propres directions quand cela est nécessaire. Jamais le long-métrage ne semble maîtriser ses choix et donc la cohérence d'un ensemble.
Sans vous révéler la conclusion de l'intrigue, le final est censé offrir de l'émotion, mais est dédramatisé soudainement par le titre Heroes de David Bowie. Ce morceau serait intimement lié à Berlin pour plusieurs raisons, mais durant la période du Mur de Berlin (1961 - 1989). Si quelqu'un a une explications, je suis preneur, mais à mon sens cette séquence ne fonctionne également pas.


Pour conclure, je ne ferai que répéter ce qui a déjà été dit, mais je souhaite également vous diriger vers une autre oeuvre étant à mon sens bien supérieur à celle-ci. Jojo Rabbit est selon moi un échec du fait qu'il traite un sujet sans le maîtriser car il ne sait pas où se placer vis-à-vis de celui-ci. J'ai beaucoup de respect pour Taika Waititi, mais à part pour de très beaux décors et costumes, je ne peux m'empêcher d'être embarrassé par ce film. Pour voir un film tentant d'offrir de l'humour sur ce sujet délicat, mais qui sait aussi faire réfléchir je vous conseille Look Who's Back (Il est de retour en VF), ici on nous propose de suivre Adolf Hitler arrivant à Berlin en 2014 et décidant d'utiliser les médias pour tenter de revenir au pouvoir. Le film propose un humour bien présent, mais assume son concept avec réalisme et offre un film cohérent dans sa majorité et tapant assez juste. J'aime énormément l'humour noir, mais avec Jojo Rabbit on atteint pour moi un grand moment d'embarras sur un sujet demandant pourtant une certaine justesse.


On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui - c'est évident - mais surtout, pas n'importe comment.

Vladimir_Delmotte
3

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes La nuit au cinéma (depuis 2015) et Le Flop 2020

Créée

le 4 févr. 2020

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