Etre un Joker c'est un état d'esprit. Un atout dans certain cas, surprise ! Un revers quand le coup dur s'abat sur vous. Le Joker est donc imprévisible par définition.
Depuis sa création on a d'ailleurs connu une multitude de facettes de ce personnage insaisissable.
Sain d'esprit dans Batman White Knight, glacial dans The Dark Knight ou encore "fou" dans The Killing Joke.
Le long métrage de Phillips se rapproche d'ailleurs beaucoup de ce dernier dans le message qu'il véhicule.
Alan Moore nous a dépeint un personnage tour à tour perdu, fou, puis en mission, montrer qu'une seule journée de merde pouvait changer une personne (le commissaire Gordon) à tout jamais.
Comme dans dans le comics, on entre ici dans la tête du personnage qui se cherche, subit des pressions, des injustices, vit dans un monde où il n'est pas le bienvenue ni accepté.
On en arrive à avoir de la sympathie pour Arthur, de l'empathie, de la compréhension même pour ce qu'il deviendra, ce qu'il représente.
Car le Clown est un symbole, une incarnation. Sous un masque joyeux, "happy", se dissimule une nature tout autre. Peut on être heureux en étant défavorisé, méprisé, battu.
Comment s'intégrer dans une société qui veut nous forcer à adopter un mode de vie unique, souris, rigole, montre toi sous ton meilleur jour et cache ta misère.
Le Clown, Prince du Crime en devenir se construit progressivement dans cette ville de Gotham qui l’aliène à petit feu. Il essaye tout d'abord de se réguler en allant voir les services sociaux (qui ferment), prenant ses 7 médicaments différents (pour arrêter de souffrir), s'abrutissant devant le poste de télé et la sacro sainte émission de Murray.
Il est à l'image de ce que sa mère voudrait qu'il soit et se représente souvent dans des contextes joyeux, se met à rêver d'une carrière de comédien, d'une relation avec sa voisine.
Même après le meurtre sauvage des trois jeunes ploucs il reprend sa vie comme si de rien n'était.
La tension monte crescendo. En Thomas Wayne (son père croit-il ?), dominant et pédant se cristallisent les frustrations, les premières voix anti riches se font entendre, la bronca sourde.
La dernière pierre, l'ultime estocade dans la création du Joe Kerr intervient peu après son tout premier stand-up, Son heure de gloire.
Il est alors à l’hôpital pour voir sa mère, plus tiraillé que jamais. Il découvre alors que Murray, son idole, le tourne en ridicule en direct à la télé.
La métamorphose s'achève, au diable les conventions sociales, l'humour consensuel, les rires appropriés. Mister J devient grinçant, inquisiteur, revendicateur. Redresseur de tort, il utilise Murray pour faire passer un message, les désavantagés ne se laisseront pas écraser. Ils riposteront et se feront entendre. Il va alors devenir l'idole des laisser pour comptes, la voix des moins que rien.
Joker est née, vive le Prince.