Prix à Venise, critique dithyrambique, succès planétaire, en route pour les oscars... Pourtant Joker est un film plutôt mou, répétitif et vain pendant une heure et demie avant que la dernière demi-heure, vraiment chouette et rigolote, ne vienne pimenter l'écran. Alors oui, quelque part ça s’équilibre...
Beaucoup le comparent à The King of Comedy de Scorsese, et certes certains points de comparaison sont tout à fait valides, mais en vrai ça ressemble à Maleficient : on prend une figure populaire historiquement reconnue comme vile et antagoniste pour épouser son point de vue sur toute cette affaire, quitte à ce que le manichéisme soit tout de même sauf, avec un méchant encore plus méchant !
En fait ça devient une formule facile à recycler à l’infini. Bientôt on aura un film lugubre et sinistre : «Riddle». C'est l’histoire d’un sorcier talentueux qui se voit plonger dans la magie noire et les horcruxes parce que ses profs n’ont pas su l’écouter et lui faire des câlins...
Pourquoi Joker est-il répétitif ? Parce que Todd Philips ne sait pas écrire. Il n’y a pas de but à l’intrigue pendant trop longtemps : son Acte I est démesuré, et il est clair qu’il ne sait pas vraiment de quoi il parle; ni où il va, alors il essaye des trucs... et tous ne se valent pas.
Tenter de faire croire que Joker est le demi-frère de Bruce Wayne ? Pourquoi pas, c'est déviant, on pourrait... ah non en fait on va dire que c'était de l'imagination, et d'ailleurs en imagination on a aussi le non-personnage de Zazie Beetz, dont la nature est transparente comme l’eau claire, vue et revue, et elle aussi n’aboutit à rien. Alors on saupoudre d'une pincée de fable sociale, sur la pertinence des symboles dans la lutte des classes... Mais ça non plus n'intéresse pas vraiment Philips...
Au moins deux tiers des sous-intrigues sont totalement laissés en plan. Voilà pourquoi il se passe au moins 17 fois la même chose ( Joker papote, Joker court, Joker danse...) avant que le film ne démarre vraiment ( avec la fantastique scène du nain, seule fois de toute sa carrière ou Todd Philips m’a fait rire ! )
Et à ce moment précis, Todd sait enfin où il va, mène sa barque à bon port sans fléchir et fait de sa dernière demi-heure un vrai moment de plaisir.
L'Interview carabinée de DeNiro parvient miraculeusement à boucler son récit le plus ancien ( le mythomane affable en quête de reconnaissance ) tout en trouvant son résultat dans les rues de Gotham. Le Joker devient donc un symbole de lutte contre le Dieu-Dollar sans même avoir choisi ce combat !
Malheureusement il y a toujours un détail qui sonne faux : Todd Philips n’est pas un clown, c’est un Wayne...
C’est un type aisé qui n’a aucune foutue idée de ce que c’est que d’être un de ses clowns dans la rue... donc aucune légitimité dans son discours sociétal de dernière minute. D'ailleurs ses scènes d’émeute sont plutôt minables, les clowns sont juste du décor, y’a pas de mouvement de masse, il manque l’énergie de ce qu’est une foule ! Revoyez Strange Days, si vous voulez une émeute de qualité !
Malgré toutes mes récriminations, je n'ai pas trouvé Joker horriblement mauvais. Simplement, il affiche son absence de travail derrière l’ambition, et fait illusion grâce à son coup d'éclat final. Honnêtement, même si un tel projet est à saluer, on méritait mieux.