Le joker est une incroyable réussite, une pépite comme le cinéma hollywoodien en fabrique de plus en plus, et c’est tellement appréciable.
Le Joker est un film qui existe indépendamment de l’univers (filmographique) DC, rien à voir avec la trilogie des Batman de Nolan, et c’est tant mieux !
Je n’ai trouvé presque aucun défaut au film, la performance magistrale de Joaquin Phoenix aidant beaucoup, on frise le chef d’œuvre.
Le rythme est très bien maîtrisé, avec une première partie sur le quotidien d’Arthur et son basculement vers le joker dans un second temps, tout cela réalisé de manière fluide, sans précipitation ni facilités scénaristiques (ce cauchemar ) .
La ville de Gotham bascule en même temps qu’Arthur, d’ailleurs elle est selon moi le second protagoniste de cette histoire et à l’image du premier : fragile, déséquilibré, livrée à elle-même. Elle évolue (spoiler : mal) en même que le joker.
Dans la trilogie de Nolan Gotham passerait presque pour une ville où il fait bon vivre, chez Todd la ville est exactement ce qu’elle est censée être : étouffante, effrayante, on pourrait presque sentir l’odeur des poubelles qui s’accumulent en raison de la grève des éboueurs annoncée au début du film.
Le Joker un produit de la société, le Frankenstein de Gotham. C’est ce qui arrive quand on accumule les laissé-pour-compte, qu’on ne prend pas soin les uns des autres.
A la toute fin du film le Joker
évoque sa condition d’homme malade, abandonné par la société, de toute façon elle aussi malade. La mairie a coupé les subventions des organismes sociaux, impossible pour Arthur de consulter un professionnel, ni de se procurer les médicaments qui (peut-être) le maintenaient dans un état psychologique acceptable
.
On y voit là une critique brute et sans filtre de la société américaine, mais ne nous voilons pas la face ce système arrive chez nous également à grand pas, qui abandonne ses citoyens qui ne rentrent pas dans les cases bien établies par les hommes riches (et blancs, mais c’est un autre sujet).
Concernant le scénario la seule petite faille est
selon moi le lien de parenté entre Bruce et Arthur (mais on ne saura jamais la vérité, la mère d’Arthur a visiblement des troubles mentaux, mais le père de Bruce semble être l’exact opposé de l’homme droit et bon de la trilogie de Nolan, le doute est donc bien présent pour ma part quand à un internement de force et une falsification du dossier psychiatrique pour se débarrasser de cette maîtresse encombrante).
Enfin, il faut souligner l’ambivalence des sentiments qui traversent le spectateur pendant ces 2h00. On a l’impression de ressortir de là un peu fou, un peu dingue de ressentir une empathie certaine pour Arthur et un dégout pour le Joker. Arthur m’a faite pleurer, j’avais mal et la respiration bloquée pendant les scènes où son handicap le torture.
C’est tout le sujet du film : l’empathie et aussi le dégoût, qui nous tord le ventre successivement et nous laisse un peu ahuri en sortant de la salle.
J’ai lu un certain nombre d’articles concernant la polémique (made in America of course) de la prétendue apologie de la violence du film (spoiler : les américains si vous me lisez, un film ne rend pas les gens violents, l’accès total aux armes à feu par contre, si) et bien sûr ces polémiques sont absurdes, où en est-on quand préfère prendre un film comme bouc émissaire plutôt que de remettre en question nos modes de vie ?
Le joker épargne son ancien collègue de sa folie meurtrière car il a été le seul à le traiter correctement,
c’est ici la seule et si simple morale du film : il faut que ça change, la façon dont on traite les autres.
Ps : filez 1000 oscars à Joaquin Phoenix, merci, bisou.