Joker de Todd Phillips nous offre un flop formel d’autant plus grand que le film, de surcroit auréolé d’un incompréhensible Lion d’or à Venise, était le plus attendu de l’année et surmédiatisé en Europe comme aux Etats unis.
Le réalisateur de Very bad trip et Starsky et Hutch avait-il le niveau pour marcher sur les plates-bandes de Scorcese, convoquant ouvertement des références tel Taxi Driver ou La valse des pantins ?
La réponse tombe dès l’introduction du film où les carences du metteur en scène sont dévoilées par ce lent travelling débouchant sur un regard miroir on ne peut plus classique et une larme, entre deux sourires, qui coule de l’œil du futur « Joker ». Comment en voyant cette introduction digne d’un téléfilm moyen ne pas la mettre en perspective avec celle réalisée par Boon Jo Ho dans « Parasite » quelques mois plus tôt ?
La pauvreté de la mise en scène de Phillips se retrouve aux moments qui aurait du être les deux grandes scènes du film ; à un moment où le futur Joker rencontre le futur Batman, séparé par une grille et où le réalisateur nous livre un champ contre champ des plus classiques, sans tension et où il prend bien le soin de marteler aux spectateurs à coups de surligneur fluo que le petit garçon est bien Bruce Wayne, le futur Batman ; et un autre moment où enfin la rencontre tant attendu entre le Joker et le présentateur d’un populaire TV show débile à la mode interprété par De Niro abouti à un énième « téléfilmique » champs contre champs sans relief dans lequel le présentateur nous livre un discours moraliste, entendu mille et une fois avant de se prendre une balle dans la tête.
Au-delà la mise en scène, comment ne pas pointer également des aberrations d’écriture avec par exemple le fait qu’on laisse entrer quelqu’un avec une arme dans un tel show télévisé ou bien de voir que le futur probable maire de la ville, Thomas Wayne, décide de sortir, un beau soir d’émeute annoncée, en famille voir un film au cinéma…
Reste le point fort du film qui aurait pu être l’interprétation de Joaquin Phoenix. L’acteur, très investi dans le rôle avec notamment sa perte de poids, le travail sur le rire de son personnage, livre une performance ternie une nouvelle fois par la mise en scène où le réalisateur fait le choix de monter des scènes courtes, couper en moyenne toutes les cinq secondes, plutôt que de laisser Joaquin Phoenix performer sur des plans séquences.
En somme, ce film est symptomatique de l’époque, d’un point de vue formel faible au quasi même niveau que toutes les « marveleries » sorties ces dernières années, la faute à un réalisateur sans réelle vision ou talent. Comment, à partir d’un tel déchet formel est-il possible de produire une approche sur le fond pertinente ?
Il aurait été intéressant de prendre plus de risques au point de laisser pas mal de spectateurs peu initiés sur le carreau ; essayer comme Taxi Driver de dépeindre un univers naturaliste plutôt que merveilleux, éviter de surligner en permanence toutes les évidences scénaristiques mises en image ; essayer par moment de mettre le récit et l’action de côté et proposer un cinéma plus temporel afin de partager la psychose et la folie du personnage ce qui à aucun moment du film n’est le cas.