Un scandaleux, un délicieux parfum de liberté et d'irrévérence plane sur le film de Todd Phillips, qui vient ôter poussière et naphtaline du costume rouge du clown Joker. Là où tant de films de super-héros tentent d'expliquer la naissance de super-vilains en les réduisant à d'anecdotiques sparring-partners, Phillips choisit l'empathie, le dégoût, la révolte et surtout la flamboyance, faisant du Joker l'icône moderne de la lutte contre la norme d'un monde régulé, qui refuse les anomalies. Il manie parfaitement le contre-pied et l'ambiguïté, proposant un déroutant film d'auteur, dépouillé des strass et paillettes propres au genre.


En Arthur, Joaquin Phoenix retrouve un rôle qu'on pourrait comparer à celui qu'il occupait dans Two Lovers, celui d'un inadapté social (à moins que la société ne lui soit pas adaptée) que la vie insulte un peu plus chaque jour. Arthur est clown, parfois publicitaire, parfois d'hôpital. Arthur vit encore chez sa mère, dans une certaine misère, prenant soin d'elle en tentant de se convaincre qu'il est heureux. Mais Arthur est le comble du clown triste...il rit à contre-temps. Le syndrome pseudo-bulbaire, un handicap mental, l'isole un peu plus chaque jour...affectivement, socialement et professionnellement. Son suivi psychologique disparaissant, victime de coupes budgétaires, un licenciement, le mépris quotidien dont il fait l'objet, être passé à tabac dans la rue. Peu à peu Arthur refuse, relève la tête et le gant, puis s'efface pour laisser le Joker prendre les commandes d'un être sur le point de rompre.


Il suffit de peu pour comprendre que Todd Phillips pose la question de la responsabilité...Joker n'est pas une créature ex nihilo, mais le fruit d'une histoire, d'un contexte qui change les coups pris en coups donnés. Joker nait de la souffrance d'Arthur, une souffrance qu'il n'a pas choisie et qui empeste l'injustice. Le sentiment face à cette métamorphose a un goût étrange, l'antipathie le dispute à la sympathie...et finit par laisser la place à une forme d'empathie pour un héros qui refuse de se laisser plus longtemps piétiner.


Un Joaquin Pheonix, brillant de fragilité et d'humanité, enfile le costume rouge pour tenir tête à Heath Ledger et Jared Leto, divisant un peu plus les admirateurs du clown au plus beau sourire du 7ème Art. Cheveux longs et filasses, corps et visage émaciés, il commence par trainer une carcasse en souffrance comme sur un chemin de croix...jusqu'au final incandescent où il se révèle à lui-même.


Joker est un film sur la justice sociale, sur l'équité, sur la responsabilité collective vis-à-vis des individus. Il ne veut porter aucun étendard, ne supporter aucune étiquette, simplement raconter une histoire et laisser chacun libre de vivre son émotion, son jugement ou sa conclusion, si déroutante soit-elle. Les codes moraux sont bouleversés, le noir devient blanc, le Joker un super-héros, le meurtre est légitimé...les enfants et leurs parents continueront d'avoir peur des hommes grimés de blanc et de rouge sang...

Jambalaya
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le 15 juil. 2020

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