Je ne m’attendais pas du tout à un film comme ça en allant le voir. J'ai adoré le film, il a renversé mes aprioris magistralement. J’avais peur de tomber sur une daube convenue ou ennuyeuse comme parfois les films de super-héros peuvent générer. Il aborde très différemment des films Marvel l’univers de Batman, ou celui des super-héros dans les blockbusters en général.
Déjà j’ai trouvé le thème du handicap et des maladies psychiques au début du film bien traité, amené de manière subtile, intime, immersive. Découvrir une victime fragile et innocente m’a surpris, connaissant le célèbre Joker pour sa super méchanceté empreinte de folie, surtout après l’excellente prestation de Heath Ledger dans The Dark Knight. Ce qui m’a directement bien transporté et immergé dans l’histoire. Le jeu d’acteur de Joaqin Phoenix (jouant Arthur Fleck qui devient ensuite le Joker) m’a convaincu, dans ces différentes scènes comme tout au long du film d’ailleurs.
Peu à peu on découvre et comprend l’horreur tragique de la situation de ce clown triste ; triste clown malgré lui. On comprend que le personnage aurait pu encaisser les coups des aléas de la vie, comme se faire virer de son travail suite à un enchainement de circonstances malheureuses. Et même le manque d’empathie de Thomas Wayne à l’encontre du gamin qu’est redevenu Arthur Fleck au moment où il parle enfin à celui qu’il prend alors pour son père. Cette scène renverse en outre magnifiquement ma représentation de la famille Wayne développée dans l’univers Marvel avant ce film.
Mais on est encore loin de l’effet révoltant que produit plus tard sur nous les spectateurs comme sur Fleck la scène de la découverte de la vérité à propos de la mère d’Arthur et de sa petite-enfance. Même si le film ne s’attarde pas à le montrer vraiment, on comprend entre les lignes que Penny Fleck elle-même souffre d’une maladie psy à la base, ce qui explique bien son comportement à l’égard de son fils.
D’ailleurs, et par contre le film développe de façon explicite ce sujet, dans cet univers de Gotham City, les politiques d’aides sociales sont atrophiées et souffrent de restrictions budgétaires drastiques. Ceci est montré dans le film sans fioriture, dans la veine de cette histoire sombre qui jette une lumière crue, froide, sur une société capitaliste désenchantée (autre thème important du film) sans pour autant faire de la propagande politique grossière. Dans la vrai vie comme dans ce film, c’est un fait le filet social permet d’éviter des drames, et lorsque celui-ci est défaillant plus rien ne retient certains dans leur chute.
La suite est plus attendue pour un film qui se nomme « Joker »... De mon point de vue cette biographie qui voit se transformer un timide et bienveillant - mais torturé - personnage en cruel assassin générant le chaos dans la société en inspirant les (nombreux) laissés-pour-compte de Gotham est très bien faite. Même si, bien sûre, c’était un film qui ne faisait pas référence à la franchise des Batman, on pourrait trouver la fin exagérée: certes le film m’a bien permis de comprendre comment Arthur en est arrivé à commettre des meurtres aussi froidement, je peine quand même à me dire la même chose pour toute la masse qui le suit et l’imite dans la foulée après l’avoir vu en direct à la télévision tuer le présentateur vedette. Tous n’ont pas le même vécu que Arthur…
C’est ici où dans le film je me suis rappelé que l’on parle d’un super méchant tiré d’une bande dessinée Marvel. Et le film s’arrête là dans l’histoire. La suite est celle que l’on connait certainement tous en ayant déjà vu (et personnellement très diversement apprécié) les différents Batman en lutte contre le Joker.
Pour terminer, la bande son soutient et accompagne très bien le propos du film, de même que la photographie, la mise en scène ou le scenario, le montage. Le film a un bon rythme et l’histoire bien racontée, compréhensible et marquante. Malgré la noirceur générale l’histoire comporte des touches d’humour (certes plutôt franchement noir) mais qui amène des respirations et des variations aux émotions du spectateur. Tout comme aussi des moments d’espoir, de bienveillance et d'événements positifs qui participent par contraste à ressentir et comprendre d’autant plus le glissement d’Arthur dans sa folie meurtrière.