[SanFelice révise ses classiques, volume 16 : http://www.senscritique.com/liste/San_Felice_revise_ses_classiques/504379 ]
ça commence brutalement, et ça annonce donc la couleur. Pendant que notre personnage principal laboure son champ, sa famille se fait décimer par un groupe de brigands. La scène est d'une violence crue. On comprend que le film sera pas une agréable comédie. Bienvenue chez Eastwood.
Josey Wales s'annonce donc comme un film de vengeance. Mais dès le début, on sent qu'il va y avoir autre chose. Nous sommes pendant la Guerre de Sécession. Par le ralliement des tueurs au camp nordiste, par une impressionnante scène de massacre dans le camp nordiste à nouveau, Eastwood se plaît à inverser les positions habituelles et rejoint ainsi la cohortes des cinéastes du Sud, aux côtés de Hawks ou Ford (je reste d'ailleurs convaincu que Ford est le grand maître à penser cinématographique d'Eastwood). C'est important lorsque l'on sait à quel point la victoire du camp nordiste est considéré, aux USA, comme la véritable naissance de l'état moderne et un acte historique majeur (allant de pair avec la quasi-déification de Lincoln). Montrer les nordistes comme un repère de criminels endurcis et de traîtres, c'est déjà faire preuve de courage.
Nous avons donc une première partie qui est une véritable boucherie. La représentation de la Guerre Civile est sans la moindre concession (en même temps, les guerres civiles sont toujours les pires). Josey Wales devient une horde sauvage à lui tout seul. On assiste à une collection de crimes sans précédents : racisme, exploitation des classes les plus faibles, Indiens privés de leurs terres et de leur culture au nom de la civilisation, etc. Un déferlement inouï de haine et de violence qui dresse un portrait terrible des USA dans son ensemble. La première moitié du film est un véritable enfer sur terre.
La seconde moitié, cependant, s'avère bien différente. Le personnage de Wales évolue. Il s'éloigne du fermier qu'il était pendant les trente premières secondes du film. Il s'éloigne même du vengeur. Il devient presque plus fantomatique, de moins en moins un personnage et de plus en plus un idéal. Un de ces idéaux dont on fait les prophètes.
Car Wales va, petit à petit, agglutiner autour de lui toute une société constituée des perdants du Nouveau Monde, des exclus parmi les exclus. Femmes victimes du sexismes, Indiens victimes du racisme, pauvres victimes du système capitaliste. Une nouvelle nation est en train de se former. La nation idéale, ce que devraient être les USA selon Eastwood. Le film prend alors l'allure allégorique, et son personnage dépasse les seules limites du western.
Wales assure la transition entre l'ancien monde et le nouveau. Il n’appartient donc à aucun monde en particulier (et surtout pas à la pseudo-civilisation nordiste, bien évidemment). Débarrassé de son rôle de cavalier vengeur de film d'action, Wales devient le bras armé de la nouvelle société, son protecteur. Un rôle indispensable si l'on veut que la nouvelle nation puisse assumer sa capacité à protéger les faibles et à servir d’abris aux victimes.
Une fois de plus, de façon éclatante, Eastwood affirme son admiration envers Ford : son Josey Wales prend le même chemin que L'Homme qui tua Liberty valance, il s'agit du portrait de la naissance d'une nation et de son rapport avec la force armée. Le film se situe au cœur même de l'idéal américain. Et Eastwood, dans la lignée de l'Aldrich de L'Empereur du Nord, par exemple, était alors l'agitateur qui empêchait le pays de s'endormir tranquillement dans ses illusions.
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