Premier film de la réalisatrice Sophie Monge présenté à la Quinzaine des réalisateurs 2018, Joueurs bénéficie de quelques atouts et d’une maîtrise réelle.
Son couple de comédien en est l’un des points forts : Tahar Rahim, toujours à l’aise depuis son travail chez Jacques Audiard pour incarner des personnages sombres et versatiles, en interaction avec un milieu qui les souille, s’acoquine avec Stacy Martin qui, de la poupée de LVT à celle de Godard chez Hazanavicius gagne ici en présence et amplifie la tessiture de son jeu. Leur duo fonctionne le plus souvent, entre passion déraisonnable et friction abrasive, euphorie et inévitable descente aux enfers ; cette toxicité, qui rappelle celle du couple récemment bien raté de Roskam dans Le Fidèle, est largement plus réussie, car elle évite un certain lot de poncifs et se cantonne à une modestie qui en fait sa force. Ce sont de simples gestes, comme la main d’Abel sur la bouche d’Ella, d’abord durant l’étreinte, puis dans la fuite, ou un étincelle dans les yeux qui annonce aussi bien l’excitation que le danger.


La mise en scène ne démérite pas non plus, apte à restituer ces montagnes russes inhérentes à l’univers du jeu : le sentiment de puissance, la maitrise des arcanes se fait par un regard qu’on croit un temps omniscient, et qui renvoie bien entendu au modèle indépassable du genre, à savoir la caméra virtuose de Scorsese dans Les Affranchis (pour l’ascension irrésistible d’un couple) ou Casino (pour la manière de décortiquer le complexe système des jeux et de ses différents acteurs).


Certes, le cahier des charges du film noir explique que le scénario soit balisé à ce point, mais il est tout de même dommage de se sentir baladé d’une façon aussi attendue. L’écriture est assez scolaire, les situations prévisibles, l’évolution des personnages se mesurant notamment à leur garde-robe et coiffure de façon assez grossière, et on apprécierait davantage de prise de risque, surtout lorsqu’on se retrouve dans une posture si fréquemment supérieure au personnage féminin à qui on a régulièrement envie de donner des leçons un peu agacées de lucidité.


Il faut donc aller chercher ailleurs les qualités du film : dans sa lumière, dans la vigueur un peu brute de sa mise en scène, et surtout dans les décors qu’elle investit. Alors qu’il a un peu trop tendance à jouer la carte américaine dans ses références, c’est sur ce plan qu’il gagne en individualité : l’envers de la capitale, ces cafés cradingues et cercles underground dressent le portrait d’une ville interlope, un labyrinthe poisseux qui à lui seul chante avec une belle éloquence la descente dans l’Eden rutilant de la dépendance.

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le 6 juil. 2018

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Sergent_Pepper

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