Le facteur n'est pas passé, il passera dans cinq minutes...
Un air bien trop connu de votre humble serviteur que ce "facteur n'est pas passé", stupide jeu consistant à déposer un "colis" dans le dos de votre camarade et de courir à sa place avant qu'il ne vous rattrape et ne vous jette "à la soupe", c'est-à-dire en plein milieu d'un cercle concentrique constitué des autres joueurs. Oui, un jeu complètement con mais auquel votre brave narrateur se voit contraint de jouer assez souvent, sous peine de subir les assauts d'une bande de marmots d'à peine quatre ans remplis de morve et de pipi. Imaginez-vous participer à cette récréation au moins une bonne dizaine de fois pour être sûr que tout le monde participe (et éviter ainsi une émeute), être vous-même le destinataire six fois dans la même partie (c'est tellement drôle de faire courir l'animateur) et vous aurez une petite idée de mon aversion pour ces pauvres facteurs innocents mais qui ont le tort malgré eux de me rappeler ce jeu à la con.
Tout un paragraphe inutile donc pour vous parler de "Jour de fête", premier long-métrage d'un Jacques Tati ayant suffisamment tâté du court avant de se lancer dans l'aventure, sorte de version longue de son bref "L'école des facteurs". Tati y reprend effectivement son personnage lunaire et maladroit de facteur, sorte de dindon de la farce d'un village en émoi avec l'arrivée de forains aux multiples couleurs.
Des couleurs finalement absente du premier montage d'un film qui aurait du être le premier en couleur mais qui essuiera les plâtres d'une technique malheureusement pas encore au point à l'époque. Le cinéaste aura l'occasion de ressortir son film quelques années plus tard avec cette fois les plans souhaités en technicolor, manière à lui de créer un véritable pont entre la grisaille des habitants et l'attitude plus fantaisiste des forains.
Par le biais du regard amusé d'une vieille femme, Tati s'amuse à observer les vilaines habitudes des habitants de son microcosme avec une certaine bienveillance, les conséquences de l'arrivée des forains dans le village que l'on imagine bien morose le reste du temps. Quasiment de tous les plans, Tati en fait des caisses et joue maladroitement son personnage mais s'amuse visiblement, même si le spectateur devra faire un effort pour comprendre ce que baragouine l'auteur de "Mon oncle".
Pas encore à l'aise avec le format long, Tati part un peu dans tous les sens, teste plusieurs choses mais n'en réussi que la moitié, balance un peu de splapstick facile, développe sa réflexion sur une américanisation en voie de développement déjà présente dans son court précédent et se contente, dans le dernier quart d'heure, de reprendre la quasi-totalité des gags de "L'école des facteurs".
Un premier essai pas toujours concluant à mes yeux car incroyablement flemmard dans sa dernière partie mais qui n'en reste pas moins agréable pour qui aime ce genre d'univers, ce qui est mon cas la plupart du temps.