Chapitre 1 : dans un remake méditerranéen de "Easy rider", Moretti circule dans les rues de Rome à Vespa. "Les villes italiennes sont les plus photogéniques du monde" écrivait Bazin dans un article sur le néoréalisme et il n'avait pas tort. Rome vaut bien les grandes vallées d'Arizona. C'est l'été. Dans un faux rythme entre salles de cinéma, conversations entre amis et virées sur deux roues, l'ami Moretti flâne avec son charme habituel, nous parle de lui, de cinéma, de politique, ce qu'il fait dans tous ses films finalement.

Chapitre 2 : on doit dire qu'on le sentait venir. Il y a comme un syndrome Woody Allen qui affecte doucement Moretti dans cette deuxième partie avant de vraiment contaminer le film. D'intimiste, le basculement semble s'opérer vers le nombriliste. Surtout le sentiment que les autres acteurs, tous autant qu'ils soient, ne sont que des faire-valoir pour les petites répliques plus ou moins mordantes de Moretti. Tacles ici et là (les séries américaines, les intellectuels de pacotille, le mauvais goût), on comprend cette fois pour de bon que Moretti film Moretti qui dit les répliques de Moretti. En même temps le truc s'appelle "Journal intime", on va pas faire l'étonné.

Chapitre 3 : s'ouvre sur une image "réelle", comprenez docu, de Moretti sur son lit entouré de docteurs. La troisième partie sera consacrée au vrai cancer du vrai Moretti. Dans un crescendo égotiste, après s'être filmé dans les rues de sa ville, puis écrasant la concurrence dans un film de fiction, le voilà triomphant de la matière documentaire. Cette fois c'est Moretti non stop, mais en plus c'est vrai ! Il y a une sensation un peu étrange à voir ce dernier morceau, comme un peu de voir Donzelli filmer l'histoire de son gosse malade. Survivre à un cancer et immédiatement faire un film pour rejouer toutes ces scènes. Mouais. Tristoune quand même à quel point le Moretti qu'on aimait semble à bout de souffle, inquiet de l'image qu'il projette, tourné sur ses problèmes, aussi graves soient-ils.

Le dernier plan est une merveille. Moretti nous reviendra quelques années plus tard, filmant enfin les autres, s'ouvrant à nouveau à des questions générales (un peu comme Carrère a fini par écrire D'autres vies que la mienne pour - presque - tourner la page de l'autofiction).
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le 27 nov. 2013

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