L'un des grands faits d'armes de Feuillade (il y en a beaucoup dans sa folle filmographie qui doit compter plus de 500 films), au niveau des Vampires ou de ses Fantomas, c'est son grand ciné-roman, comme il ne nomme lui-même nommé, Judex (qui sera beaucoup repris ensuite, notamment par Franju qui en livre un superbe remake dans les 60's), conçu en 12 épisodes plus un prologue et un épilogue, pour une durée totale de plus de 6h30. Le film vient d'être magnifique restauré par Gaumont et le résultat est littéralement à tomber par terre. Dire que ce film a plus de 100 ans et pouvoir le découvrir dans des conditions pareilles, c'est absolument fou... Je pensais aux grands cinéphiles type Truffaut, Langlois, etc., et je les imaginais découvrant ces chefs-d'oeuvre dans des qualités pareilles, ils auraient été dingues. Depuis l'avènement du bluray et la tendance qui se généralise de la restauration du patrimoine en 4K, on vit quand même une période complètement extraordinaire en terme de cinéphilie, et on ne le dit pas assez. Bref, revenons au Judex qui est un total chef-d'oeuvre, c'est conçu comme un feuilleton, avec plein de personnages et de récits qui se croisent, avec une narration d'une grande limpidité et une mise en scène à tomber par terre d'inventivité, et surtout d'un point de vue graphique, des cadrages et des plans qui sont d'une grande beauté, comme si Feuillade avait en cette matière beaucoup d'avance sur son temps. C'est un film passionnant, une histoire de vengeance au départ et qui dévie pour aboutir in fine sur la question du pardon et celle de la rédemption, d'une intelligence folle, et donct la forme généreuse m'a beaucoup fait penser au cinéma de Jacques Rivette et tous ses longs films à tiroir des 70's, à commencer par Out One. Je ne sais pas si Rivette était fan de Feuillade (c'était un immense cinéphile, je sais qu'il les a forcément vu), je ne sais pas si il y a des textes là-dessus, mais cet héritage relève pour moi de l'évidence.