Les années 90 ont été plutôt fastes pour le grand Clint. Impitoyable, Un monde parfait, Sur la route de Madison, Minuit dans le jardin du bien et du mal : que des chefs d'oeuvre (il n'y a que Les Pleins Pouvoirs qui fasse tache dans cette liste).
C'est juste après son formidable film sur Savannah qu'il reprend la caméra pour faire ce Jugé Coupable. L'histoire du film rappellera, au cinéphile averti, celle de l'excellent Appelez Nord 777 d'Henry Hathaway, avec James Stewart : un journaliste tente de prouver l'innocence d'un homme condamné à mort.
Qu'on ne s'y trompe pas : cette histoire principale est assez intéressante, mais complètement cousue de fil blanc, incohérente et trop remplie de hasards pour faire un bon synopsis. L'intérêt du film n'est pas là.
Sous une apparence de film noir agréable se cache une description acide de l'Amérique moderne. Eastwood insiste en particulier sur l'absence de dialogues. Pas de dialogues en mari et femme. Entre père et enfant. Entre employeur et employé. Pas même de véritable justice (qui n'est qu'un dialogue entre un suspect et les représentants de l'ordre).
Alors, il est vrai, il y a les séquences formidables entre Eastwood et James Woods (acteur trop rare, celui-la ! C'est toujours un plaisir de le voir). Mais si on les regarde attentivement, le dialogue est faussé par les relations sociales : l'un est le patron, il peut à tout instant couper court à l'échange avec un argument d'autorité du genre : "tu fais ce que je dis, un point c'est tout !"
Et c'est pareil partout. S'il n'y a pas eu de dialogue judiciaire, c'est parce que le suspect était lui aussi en position de faiblesse : pauvre et noir, ça ne pardonne pas.
SPOIL !
Pire : même à la fin, il n'y a pas de dialogue entre la victime libérée et son sauveur.
FIN DU SPOIL
Nous voilà donc dans un film où chaque personnage est prisonnier dans un rapport de force avec ceux qui sont au-dessus ou au-dessous. Je suis supérieur, donc j'ai raison. Et la petite victoire du personnage principal (on n'ose pas dire "héros", tant le personnage fait partie des désabusés du cinéma eastwoodien, frère des personnages qu'il incarnera dans Million dollar Baby ou Gran Torino) ne changera rien au système qui, sous prétexte de liberté des individus, laisse tous les droits à la loi du plus fort.
Un film sombre donc, formidablement interprété, et qui ménage quand même bien son suspens ainsi que quelques scènes comiques. Oeuvre faussement simple à re-découvrir.