Coproduction indépendante qui se voulait luxueuse et impériale, le Jules César de Stuart Butte est pourtant souvent un peu oubliée dans la masse d'adaptations de classiques de Williams Shakespeare à l'écran et ce malgré la participation d un Charlton Veston passionné par le sujet.
Un acteur américain dont on se remémore facilement les incarnations héroïques et victorieuses, entre grands péplum bibliques et science-fiction culte, mais qui cachait derrière sa mâchoire carrée et ses presque deux mètres de muscles une formation d'acteur classique et un profond amour (comme la plupart des acteurs anglo-saxon) pour l'œuvre de William Shakespeare et en particulier le diptyque Jules César / Marc-Antoine et Cléopâtre. D'ailleurs dès 1950, on le retrouve dans la toge du général romain pour une ancienne adaptation de la pièce signée David Bradley et quasiment introuvable aujourd'hui. S'il n'est pas à l'origine de l'essai porté à l'écran en 1970, il en est cependant le moteur. Celui dont la présence à l'affiche (avec une réduction du cachet habituel d'ailleurs) va permettre à cette petite production anglaise de prendre son ressort et séduire une liste plus qu'impressionnante de « stars » américaines et anglaises. De John Gielgud en Empereur faillible et humain jusqu'à Richard Chamberlain en Octavius belliqueux sans oublier des apparitions courtes mais mémorables de Diana Rigg et Christopher Lee (et même Michael Cough dans un rôle muet), l'affiche à tout de la superproduction hollywoodienne. Si ce n'est un accident de taille : Jason Robard.
DANS LE MARBRE
Un acteur US pourtant honorable, mais qui a choisit d'aborder le rôle central de Brutus avec une impassibilité étonnante, une rigidité fantomatique et une déclamation fatiguée. Une interprétation constamment à côté de l'intensité des autres acteurs, où l'inattendu Robert Vaughn fait preuve d'une flamboyante rare dans le rôle du volubile Casca, presque à même de faire de l'ombre à la sublime et puissante oraison funèbre déclamée par un Charlton Heston au sommet. Le centre névralgique d'une pièce ambiguë sur les aléas du pouvoir et les faiblesses de la république dans la quelle Shakespeare décrit la mise en place du complot contre un César qui menacerait les valeurs de Rome, puis les conséquences du fameux attentat, très loin bien entendu du nouvel état de grâce espéré. Dans son long métrage de 53 avec Marlon Brando, Mankievitz y voyait une allégorie d'un monde théâtralisé, reposant sur le faux et l'engouement d'un peuple versatile. Le cinéaste british Stuart Burge n'y apporte pas grand-chose d'autre qu'une illustration appliquée entièrement au service du texte et de ses acteurs. Il avait déjà produit une adaptation d'Othello avec Lawrence Olivier et du même Jules César pour la BBC, mais manifestement sa longue carrière télévisée atteste essentiellement d'un talent de petit artisan. Ici les occasions de s'échapper dans la flamboyante, l'élévation et la rage sont nombreuses, mais la caméra reste bien souvent figée, à distance polie de la « scène », empêchant le spectacle de devenir autre chose qu'une captation solide. Vu l'implication de certains acteurs, c'est bien dommage. Cela n'empêchera heureusement pas Charlton Heston de revenir deux ans plus tard avec Marc-Antoine et Cléopâtre qu'il décidera de diriger lui-même. Sage décision.