Julie en juillet
6.6
Julie en juillet

Film de Fatih Akin (2000)

Fatih Akin dans le registre de la comédie, moi, j'achète : j'avais déjà apprécié la loufoquerie de Soul Kitchen, je découvre ce film de jeunesse tout à fait dans la même veine.


La première scène, sous le cagnard et dans un champ de blé doré, évoque La mort au trousse ou Le canardeur : ce type qui a un macchabée dans son coffre et forcément louche, d'autant qu'il a la gueule de l'emploi. Mais qui est ce jeune gars prêt à tout pour se faire prendre en stop, y compris à se retrouver la gueule sur la bitume, comme nous le montre une caméra à ras du sol ?


C'est Daniel, qui va nous raconter son histoire extraordinaire. Une histoire à dormir debout, ou à flotter en apesanteur. Un conte des mille et une nuits. Fatih Akin s'amuse des invraisemblances, il ne cherche qu'à nous embarquer dans une belle histoire. Julie a jeté son dévolu sur le coincé Daniel et a trouvé une ruse pour lui mettre le grappin dessus : lui vendre une bague dotée d'un pouvoir magique, celui de lui faire rencontrer l'âme soeur, la première personne nantie d'un astre sur elle. Las, elle se fait damner le pion par une belle Turque. Daniel tombe amoureux, perd sa belle mais est bien décidé à la retrouver, dans un long périple jusqu'à Istanbul.


Mais une autre volonté s'oppose à cette détermination farouche : celle de Julie, qui n'entend pas se faire voler son Daniel, surtout lorsque celui-ci se présente sur sa route ! C'est donc parti pour un film de périple (en anglais road movie) à travers l'Europe de l'Est pour arriver à temps sous le pont rêvé d'Istanbul.


Ce voyage initiatique va transformer Daniel : le timide prof de maths chahuté par ses élèves va se bagarrer avec un malicieux routier dans un rade, goûter aux délices du shit en voguant sur l'eau, se faire jeter à la baille par des matelots, rencontrer une camionneuse mante religieuse, se faire droguer puis piquer son passeport et son fric, s'agripper au toit du camion dans une folle course-poursuite dans Belgrade, se marier sur la ligne d'une frontière, tenter le grand saut pour franchir une rivière... Tout cela pour, finalement, se rendre compte que celle qu'il aimait était cette fille qui l'avait choisi, la radieuse Julie. Un vrai conte de fée on vous dit.


Celle-ci est incarnée par la lumineuse Christiane Paul, plus craquante encore que la pourtant très séduisante Melek. On s'attache à ces deux-là et leurs aventures sont savoureuses. Fatih Akin ose des cadrages audacieux, des plans parfois laids, tout ce qui peut donner à son conte le côté déjanté qui va bien. La découverte que Isa n'était pas le brigand qu'on croyait est porteuse de sens : se méfier des apparences, c'est un peu ce que nous dit Akin sur tous ses personnages - Daniel avait l'étoffe d'un aventurier, Melek n'était pas "disponible" comme on le pensait, le routier n'était pas le dragueur qu'on pressentait... Seule Julie, finalement, ne cède pas un pouce de ce qu'elle semblait au départ. La fée Julie va gagner Daniel à sa cause (le titre original, Im Juli, peut se lire comme "I'm Juli"), jusqu'à lui faire adopter la technique du "la première voiture qui passe décide de là où on va".


A peine déplorera-t-on quelques longueurs (la scène sous les étoiles où les deux chantent Blue Moon puis entrent en lévitation, celle dans la boîte de nuit) et une fin un peu niaise (la déclaration de Daniel c'était suffisant, il était inutile de faire brailler à Julie ces "je t'aime" crescendo). Quelques travers vite oubliés : cette odyssée rocambolesque fonctionne à plein régime, surprend et ravit.


7,5

Jduvi
7
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le 31 janv. 2021

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Jduvi

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