(Risques de spoilers)
Juliet, Naked narre l’histoire d’Annie et de Duncan, un couple de quarantenaire vivant une vie bien monotone à Gooleness, une petite station balnéaire du nord de l’Angleterre. Suite à la mort de son père, Annie a repris la direction du petit musée d’histoire de la ville, tandis que Duncan est enseignant à l’université. Duncan vit une passion dévorante, maniaque, voire obsessionnelle pour la rock star américaine Tucker Crowe, ayant disparu de la scène depuis près de 20 ans, sans laisser de trace, après avoir connu le seul succès de sa carrière, avec son album Juliet.
Duncan lui dédie un site – contenant une petite communauté de fanatiques, tout aussi passionnés que lui du chanteur et y consacre la plupart de son temps, ce qui entrave la relation du couple, qui bat déjà de l’aile depuis quelque temps.
Un jour, Annie ouvre une enveloppe destinée à Duncan, où se trouve la maquette d’un album intitulé Juliet, Naked. Annie l’écoute, et c’est alors que commence le début de la fin.
Duncan, toujours très obsessif dans ses sentiments face à Tucker Crowe le prend très mal. Annie, lassée d’entendre parler de lui, et surtout d’être ignorée par son mari lorsque leurs avis divergent à son encontre – comme ce jour-là où ils se disputent la qualité de cette démo plutôt passable, décide de laisser une critique virulente sur le site, concernant l’écoute de Juliet, Naked. Elle est loin de s’imaginer que la seule personne en accord avec elle, n’est autre que le véritable Tucker Crowe, et qu’il va lui répondre personnellement. De là, va s’ensuivre une correspondance assez intime et égayée par les aveux de vie de chacun.
Étant fan de Nick Hornby depuis toujours, j’avais hâte de lire ce roman (après des années. La contradiction), et ainsi voir l’adaptation cinématographique. Même si, dans un premier temps, j’ai eu un peu de mal à rentrer dans l’histoire de Juliet Naked, j’ai vite été rattrapée au fil des pages, par ce que j’aime le plus chez Nick Hornby. Une écriture vive, un humour très anglais, qui se lit agréablement et avec facilité, où l’on retrouve ces fameux personnages désabusés, quelque peu irritables par moment ; ce qui est toujours très plaisant à lire !
Seulement, comme on le craint toujours avec une adaptation, est que le film n’arrive pas à la hauteur du livre. Et ce fût le cas ! Je dois dire que je n’ai pas véritablement retrouvé le plaisir que j’ai eu lors de la lecture. Hormis le choix des acteurs qui correspondent bien à ces personnages.
Beaucoup de petits détails ont été balayés du livre, et je trouve que ça a désavantagé globalement le récit. Je sais qu’il n’est pas possible d’être complètement fidèle à un roman, il faut parfois faire l’impasse sur certaines choses, mais ici, certains éléments portent préjudice au déroulement des événements.
Dans le livre, la relation Annie/Duncan est plus définie et plus claire, dans leur routine de couple. On sent Annie totalement bloquée dans sa relation de plus de quinze années avec Duncan, et n’attend que de s’échapper de sa petite vie terne et sans artifices, rêvant d’aventure. C’est notamment ce qu’elle écrit et confie à Tucker Crowe lors de leurs échanges par mails. Duncan est quelqu’un de plus antipathique, proche du lourd dans ses réactions et sa façon d’être. Dans le livre, il est décrit comme quelqu’un n’aimant pas le contact, et fuyant par exemple ses collègues de l’université. Je n’ai pas ressenti cet aspect de lui dans le film. Plutôt même l’inverse. Il paraît plutôt sociable, mais reste néanmoins irritable et condescendant sur certains aspects.
Le personnage de Tucker Crowe, amène une fraîcheur, une pointe humoristique et un côté attachant à l’ensemble. On pourrait penser que la musique tient la place la plus importante de l’histoire, or, elle ici est reliée au second plan, mais juste ce qu’il faut pour nous faire fantasmer sur les anecdotes de sa vie passée de musicien. Oublié des radars depuis deux décennies, les fans de la première heure eux, continuent à alimenter des rumeurs autour de lui et l’on se rend bien vite compte que personne ne connaît véritablement sa vie et qu’ils sont bien loin de la vérité.
Ancien alcoolique, vivant dans le garage de son ex-femme, père de cinq enfants qu’il a à peine vu au cours de sa vie et qu’il a eu avec quatre femmes différentes, il est bien loin de la vie qu’il a autrefois menée. Crowe, en quête de rédemption, commence à se confier ouvertement à Annie au fil des e-mails échangés. Étrangement, tout comme elle, leurs failles et leurs regrets de choix de vie vont les amener à se connecter l’un à l’autre. Le personnage de Tucker Crowe reste plutôt fidèle au livre. J’ai retrouvé ses attraits sympathiques, sa pointe d’humour attachante sur le fil de sa vie racontée… Néanmoins, on en apprend davantage dans le roman d’Hornby. Tout ce que j’ai aimé sur ces anecdotes entourant le mystère de l’album Juliet, ce que les fans ont fantasmé sur sa vie de musicien – Duncan le premier à penser tout savoir de lui, de sa vie ratée actuelle, de ses regrets de cinquantenaire, du lien tendre qui se construit avec Annie etc., ne se reflètent pas dans le long métrage et c’est bien dommage. Des éléments importants n’apparaissent pas, et marquent un manque au niveau de son histoire.
Je suis restée légèrement déçue dans sa globalité, car les moments qui m’ont fait aimer tous ces détails dans le roman, m’ont semblé cruellement absents dans la façon d’amener l’histoire à son terme. Je suis loin de dire que tout est raté, certains aspects m’ont plutôt charmé. Les acteurs eux sont très appréciables dans leur rôle respectif, et c’est ce que j’aime dans une adaptation ; que les personnes prennent vie. Rose Byrne (Annie) est légère, attendrissante dans sa quête d’existence et dans son épanouissement en tant que femme. Ethan Hawke – que j’adore depuis l’adolescence, campe ici Tucker Crowe, un anti-héros très tendre, pour qui on s’éprend de compassion, même si certains choix de sa vie pourraient le rendre tout autre. Chris O’Dowd, alias Duncan, rempli parfaitement le job en tant que fan tête à claque et snob musical, totalement dévoué à son artiste préféré. Le film pêche peut-être dans sa réalisation, son manque de dynamisme, et son absence des détails accordés aux histoires des personnages. C’est ce dernier point qui m’a le plus manqué. Quid du voyage aux États-Unis dans les toilettes de la dernière salle où s’est produit et s’est volatilisé Tucker Crowe ? Quid de Gav et Barnesy, ces étonnants personnages ? Et quid de la fin, qui m’a laissé perplexe… J’en garderais juste un petit souvenir dans un coin de ma tête.