C'est fou ce que l'œuvre de Marc Allégret se distingue de celle de son frère Yves. On est sûr qu'ils sont du même sang ? Je veux dire, le cadet Yves méprise ses personnages, ses films sont ultra noirs, ils sont parcourus d'un poignant pessimisme, d'une vraie misanthropie. A l'inverse Marc Allégret transpire le brave type. Il présente toujours un univers charmant et des personnages profondément sympathiques.
Ici c'est donc un roman de Louise de Vilmorin adapté et dialogué par Françoise Giroud. Evidemment le film est très inférieur à "Madame de..." de Max Ophüls, adapté de la même écrivaine et sorti la même année. Mais Marc Allégret parvient à fournir un spectacle honnête et agréable, toujours avec sa demi-ambition habituelle.
Le film est rythmé et chaque personnage est très bien campé. L'histoire s'amuse avec le modèle habituel de la jeune fille frivole et insouciante qui doit se marier (à un prince qui plus est). La jeune fille en question est jouée par Dany Robin, sa mère par une Denise Grey réjouissante et sa sœur (absente du roman) par Nicole Berger. Les échanges entre les trois femmes au début du film sont rythmés et comiques. Françoise Giroud fait parfaitement ressentir qu'on a affaire à des femmes accommodées à leur condition, qui s'en amusent presque.
Julietta a peur de se marier. Suite à un rebondissement provoqué par l'oubli d'un objet, elle se retrouve hébergée par Jean Marais. Ce dernier, suite à un quiproquo doit la cacher à sa fiancée jouée par Jeanne Moreau en petite bourge capricieuse insupportable.
Dès lors, l'intérêt réside moins dans la suite de situations presque vaudevillesques (et souvent très drôles grâce à la vivacité des dialogues) que dans la situation de Julietta. C'est une jeune fille qui ne veut pas sortir de l'enfance. Elle se retrouve à jouer à cache cache, cachée dans un grenier où Jean Marais lui même venait se réfugier étant enfant. Elle finit par transporter dans le grenier tous les meubles de la vieille maison dans laquelle il a passé son enfance.
Dans ce lieu clos elle déplace tout l'univers de cet homme qui ne fait que subir tout le long du film. Elle l'aménage comme un palais de petite princesse. C'est dans ce contexte qu'il finit par tomber sous son charme. Il l'embrasse une première fois, parce qu'elle le lui demande, et la caméra s'éloigne d'eux, les plaçant dans ce contexte de rêverie enfantine. La deuxième fois, c'est lui qui le lui demande, dans un plan rapproché où il n'y a plus qu'eux, appuyés contre une poutre de la vieille maison délabrée. Alors elle lâche simplement: "la petite Julietta s'est envolée".
L'atmosphère chaleureuse d'Allégret fait tous les atouts et toutes les limites de son cinéma. Et ce film n'y déroge pas. C'est un spectacle plein de charme mais qui manque un peu de mordant. En fait on ne s'attarde pas suffisamment sur les conséquences des actions sur la psychologie des personnages. Cela donne d'ailleurs une fin aux allures un peu bâclées. Mais le film contient suffisamment de bons moments pour qu'on se sente satisfait.