Entre Huit et demi et Satyricon, Juliette des esprits se situe dans cette période de l’œuvre de Fellini où, comme d’autres avant lui (Claude Simon dans le domaine des lettres notamment, suivant le modèle de Blanchot), il se prépare à abandonner le procédé de la narration (raconter une histoire) pour passer à celui du récit (se raconter soi-même en tant que chaque vie est porteuse d’histoires ou plutôt d’une histoire). Nous sommes ici dans une espèce de transition (et nous y resterons avec Satyricon) où l’auteur ne se cantonne plus à une histoire linéaire comme dans I Vitelloni ou La strada mais ne peut encore se résoudre à l’éclatement total du propos comme ce sera le cas à partir de 1971 avec I Clowns… On a donc encore droit à un semblant d’histoire structurée avec une bourgeoise bien mariée qui fréquente un cercle d’amis décadents (les mêmes que ceux de La dolce Vita puis de Huit et demi, ceux que l’on retrouvera à l’époque romaine dans Satyricon) et s’ennuie ferme, seulement distraite par des échappées oniriques… qui vont devenir l’essence de sa vie lorsque ce monde s’écroulera sous le coup de l’adultère du mari adulé. Les images, comme toujours sont magnifiques, la musique de Nino Rota est expressive au-delà des mots pour atteindre le cœur du propos, Giuleta Masina est aussi à l’aise en bourgeoise qu’en souillon ou en prostituée et les séquences oniriques sont toujours aussi bien maîtrisées avec des fantasmes qui remontent au Cheik blanc et annoncent ceux à venir… J’aurai une seule réserve pour ma part à propos de la résolution finale un peu trop facile sous forme d’un emballage œdipien assez grossier et vite expédié… Mais ce film a beau être un film de transition et se terminer sur une ultime pirouette insatisfaisante, il n’en demeure pas moins un film qui tient la route, un film de Fellini, un vrai !
Maqroll
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le 12 juil. 2013

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