Le point de départ de Jumbo, soit une scène de fusion entre les lumières éblouissantes de la machine et le corps irradié de la jeune femme, aurait pu constituer le point d’arrivée du récit et son prolongement, une rétrospection linéaire depuis la rencontre jusqu’à la relation en passant par coup de foudre et initiation langoureuse. Or, lorsque le long métrage de Zoé Wittock commence véritablement, c’est comme si nous arrivions trop tard. Les machines en miniatures sont déjà élaborées par Jeanne dans sa chambre, le cadre forain constitue un pré-acquis, Jumbo est visible par tous. Si la réalisatrice sait diriger son actrice principale, elle échoue en revanche à construire une montée en puissance du sentiment amoureux sinon par clips esthétiques en tension avec l’approche réaliste poursuivie : balbutiements, évolution, apprentissage mutuel, tout cela est absent du film, ou alors traité de façon si rapide qu’il évacue la sensibilité et la poésie, qualités requises pour prétendre convier le spectateur à une romance bien inhabituelle. Car la thématique abordée ici est on ne peut plus originale ; mais son traitement, lui, tombe dans les facilités d’un cinéma à la croisée du fantastique et du drame social avec ciel gris et moult cris.
Notons enfin la fascination quasi machinale du film pour le corps dénudé de Noémie Merlant, au point de multiplier à l’infini les séquences où l’actrice s’habille et se déshabille, se déshabille et s’habille, encore et encore, goût qui traduit certes le don de soi à l’autre saisi dans son altérité fondamentale, goût souvent gratuit et susceptible, à terme, de faire tomber le film dans un ridicule certain – que confortent le mariage dernier et ses ralentis ampoulés. Pris en étau entre l’esthétisation et le réalisme sans jamais articuler la relation qui les unit – l’esthétique comme refuge loin de la grisaille réaliste quotidienne –, Jumbo n’est que l’ébauche de la grande romance promise par son thème. Tout cela manque de force, de poésie et de cinéma. Reste Noémie Merlant, impeccable.