Junior Bonner est souvent considéré comme mineur dans l’oeuvre de Peckinpah. Il est certain que cette petit tranche de vie baignée par l’univers du rodéo est un peu plus douce que ce qu’il propose à l’accoutumée. Pour autant, on y retrouve la thématique qui traverse chacun de ses films, à savoir le témoignage d’une époque révolue, qui voit certaines des valeurs qui en étaient typiques disparaître progressivement.

En l’occurrence ici, c’est en opposant deux frères que Bloody Sam illustre ce choc des mentalités. Mc Queen, impérial comme à son habitude, incarne les valeurs typiques du vieil Ouest, droit dans ses botes, l’esprit libre et l’amour de la terre. Quant à son frangin, porté par la bonne vieille trogne de Joe Don Baker, c’est tout l’inverse. Ambitieux, attiré par l’argent et son pouvoir, il représente la montée d’un capitalisme dévastateur qui prend les traits, à l’écran, d’un bulldozer détruisant la vieille demeure familiale pour faire place à un programme immobilier au fort potentiel rémunérateur. L’image est forte, sans appel.

Outre ce cri du cœur un peu fougueux, Junior Bonner est aussi l’histoire touchante d’une belle relation entre un père et son fils. Les deux hommes partagent les mêmes valeurs, et profitent des moments qui les réunissent même s’ils sont tous deux des solitaires, qui vivent uniquement pour leur passion. Passion qui les réunit à l’occasion d’une chevauchée sauvage en pleine ville qui les mènera sur un quai de gare : l’occasion pour eux de ruminer cette vie qui change et d’évoquer leurs poches trouées. Si ce n'est pas un portrait de famille typique du réalisateur !

Alors bien entendu, il faut apprécier Peckinpah, ou aimer la poussière des ranchs pour trouver son compte dans ce mélancolique Junior Bonner. Mais quand c'est le cas, qu'on est friand de ce genre d’ambiance fermière, où l’on règle ses comptes avec les pognes d'abord, autour d’un verre ensuite, alors le voyage file le sourire et on est à deux doigts de sortir le Lagavulin du placard pour un petit retour de tourbe saisissant. Tout juste histoire d’augmenter un peu l’immersion bien sur, mais c’est soir de semaine, alors on se retient, faudrait pas prendre de mauvaises habitudes !

Malheureusement, cette ambiance particulière ne fut pas du goût de tout le monde ; ceux qui s’attendaient à retrouver la furie d’un Chiens de paille sortie l’année précédente, n’ont pas jugé ce retour à la terre très passionnant. Pour preuve, le film fut un échec financier au moment de sa sortie. Peckinpah, qui l’avait réalisé aussi en partie parce qu’on le taxait de réalisateur violent et qu’il voulait proposer autre chose, dira devant le maigre succès de sa proposition, que lorsqu’il fait un film dans lequel personne ne se fait tuer, et bien personne ne prend la peine d’aller le voir !

L’homme retiendra donc sa leçon, en tirant avantage du bénéfice de ce petit échec, sa rencontre avec Steve Mc Queen. L'acteur, ayant apprécié l’expérience Bloody Sam, proposera au réalisateur de bosser à nouveau, et sans délai, avec lui sur un script de Walter Hill, qui sera, comme toute bonne âme le sait, l’un des films les plus cool du cinéaste, à savoir l’excellent The Getaway !
oso
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le 17 sept. 2014

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