Attention cette critique contient des spoilers :
Voilà, comme ça au moins je pourrais dire que j’ai vu tous les Jurassic Park au cinoche, le premier reste pour moi un souvenir impérissable qui à 8 ans m’avait littéralement transporté, le second fut déjà une belle déception compte tenu de mon immense attente, qui d’ailleurs sonna le glas de la magie cinématographique enfantine me concernant, puis le troisième, véritable farce qui porta le coup de grâce … 14 ans plus tard voilà ce nouvel opus, autant dire que je ne le sentais pas du tout, et même avec toute la bonne volonté du monde en y allant en total détente pour passer un bon moment impossible de passer à côté du niveau de catastrophe industrielle ...
Enfin je veux dire il y a des signes qui ne trompent pas, rien que l’introduction avec les œufs je ne dis pas non mais directement enchainer avec la présentation des gosses c’est faiblard en terme de mise en place du suspense, l’intérêt du film se devait d’instaurer directement un mystère autour du Jurassic World pour prendre son spectateur à la gorge (les 3 autres films y arrivaient). Ici le monde est dépeint comme sujet à la démocratisation des dinosaures, les gosses y vont comme à Disneyland, on les laisse aller en toute sécurité dans un parc rempli d’animaux préhistoriques en éludant au passage tous les incidents ayant eu lieu une vingtaine d’années auparavant. InGen n’a au final pas vraiment retenu les erreurs du passé, allant même jusqu’à repousser les limites de la génétique en créant un nouveau dino hybride face à l’attente d’un public de plus en plus blasé, l’Indominus-Rex. On peut à la limite se laisser aller à visiter ce nouveau parc sur Isla Nublar (l’île du premier), les nouvelles technologies comme les hologrammes dans le hall d’accueil c’est sympa, j’ai même bien aimé le personnage de Bryce Dallas Howard, sorte de John Hammond en jupon assez classe, l’aspect visuel est aussi satisfaisant d’un sens même si personnellement le côté aseptisé m’a quelque peu rebuté, je préférais les bonnes vieilles portes en bois qui craquaient dans le film de Spielberg, l'aspect jungle, les couleurs chaudes, mais bon on n’arrête pas le progrès, enfin ça reste assez triste.
Pour ce qui est du background de Jurassic World je n’ai pas énormément de reproches à faire, à part le concept des gyrosphères que je trouve vraiment limite (rien qu’en matière de sécurité, on le voit par la suite), bref, c’est surtout le développement des intrigues qui à mon sens ne fonctionne pas, on suit donc principalement le séjour des deux ados, le dressage et le conditionnement des raptors ainsi que la fuite de l’Indominus, en plus des enjeux autour de InGen, et tout n’est pas suffisamment dosé de manière à ce qu’il en ressorte un sentiment d’immersion, rédhibitoire. Il y a véritablement un problème de mise en scène, on ne retrouve aucun semblant de magie pouvant redonner une lueur d'espoir dans l'œil d'un enfant perdu, ça tourne vite à la série B, on constate les tentatives rétro-nostalgiques pour la fanbase Jurassic Park, ce qui n’est pas une mauvaise idée en soit (la cafétéria, les lunettes vision nocturne, même la jeep ça passe), mais du clin d’œil à la repompe la frontière peut être mince, et Trevorrow va s’en gargariser pour ne pas faillir à son entreprise de démolition du mythe, pauvre de lui, ça reste clairement une façade. Rien que la séquence de la boule de hamster avec l’Indominus en est le symbole puisqu’il est impossible de ne pas penser au passage culte du SUV avec Alex et Tim face au T-Rex, c’est de la récupération, et je passe certains cadres et utilisation de thèmes musicaux.
En fait j’ai vraiment trouvé le scénario poussif au maximum, presque trop enfantin et posant grossièrement ses bases, forcément l’Indominus passe entre les mailles du filet de ses propres créateurs, on connait le schéma, les hommes sont inconscients et ça va être la panique à bord, puis les raptors domestiqués vont filer un coup de main, tout se fait par un déploiement d’idées manquant cruellement de subtilité, et puis c’est froid bon sang, l’ambiance est d’une froideur assez inconfortable. Le duo Owen Grady - Claire Dearing est totalement cliché sauce 90s (le charisme en moins, dommage), idem pour le personnage du méchant joué par Vincent d'Onofrio qui ne sert pas à grand chose au final, et surtout les ruptures de tons passant de l’action à l’humour beauf c’est à se cacher sous son siège, ça devrait être interdit de faire ce genre de choses, comme si il fallait rassurer le spectateur possiblement effrayé, grossier je vous dit … Et les effets spéciaux en ce qui concerne les dinosaures je suis désolé mais c’est tellement moche paradoxalement aux moyens techniques actuels, il me semble que Trevorrow avait même promis un retour aux animatroniques, autant dire qu’il s’est bien foutu de nous, car le procédé n’intervient que pour le passage du brontosaure agonisant il me semble, l’orgie de CGI est purement imbouffable et participant à décrédibiliser l’aspect un minimum crédible du projet, car les performances-captures sur maquette ne changent absolument rien, ça reste sans vie.
Pour un divertissement sincèrement je me suis ennuyé, je dirais que quelques passages m’ont tout de même fait redresser de mon siège, comme l’attaque des ptérodactyles et ptéranodons, là il y a une vraie menace sauvage qui s'abat sur le public, la mort de l ‘accompagnatrice des ados est cool, mais pas grand chose à se mettre sous la dent pour vibrer, il n’y a pas (ou très/trop peu) de suspense, idem pour la maitrise de la tension, c’est du faux spectacle. Le pire étant cette dernière partie qui part dans tous les sens, ça va beaucoup trop loin dans le ridicule, le coup de l’Indominus qui se camoufle mon dieu que c’est con (mais non c’est de l’ADN de seiche, ah ah), puis les raptors qui changent d’alpha en paraissant causer humainement entre dinos, c’est surréaliste, et comme si ça ne suffisait pas on ressort le T-Rex des tiroirs pour un combat final à la Godzilla, du climax à deux sous, le mosasaure qui sort de nulle part, les réactions incompréhensibles des raptors, bref des éléments d’écriture et de mise en scène catastrophiques, c’est un foutoir total ! L’ultime plan est un peu cliché également quoique d'un sens ouvert à un certain message du genre "la nature à re-repris ses droits" mais ça ne cache en rien l’arnaque. Véridique, en sortant de la salle je n’ai entendu quasiment que des "merde" par ci ou "daube" par là, adjectifs que je ne pouvais que valider.
Ce Jurassic World était une plantade annoncée et sans surprise elle a bien eu lieu, je crois que c’est même pire que ce que j’imaginais, une machine froide et sans émotions, une galerie de personnages qui ne restera pas dans les mémoires malgré une interprétation plutôt digne mais au service d'un grand n'importe quoi. Je pense qu'il y avait pourtant de la matière à exploiter au niveau du parc mais on nous le présente sans doute un peu trop comme acquis dans notre imaginaire, au contraire on avait besoin de revivre quelque chose d'excitant, au final on se joint au public, on est blasé, à juste titre. La quantité ne primera jamais sur la qualité.