C'est bien la question légitime que l'on peut se poser à la fin de la séance de ce Fallen Kingdom.
Car il laisse une drôle d'impression. Un drôle de sentiment bien mitigé, parfois même assez meurtrier, alors même qu'il faut avouer que troquer Colin Trevorrow contre Juan Antonio Bayona avait tout de l'éclair de génie, vu le CV du bonhomme, sans tâche jusqu'ici.
Alors oui, quelque chose a survécu... Grâce à lui.
Grâce à ce premier acte ultra débridé, spectaculaire et enlevé, construit à l'évidence pour emporter immédiatement le spectateur et le faire croire à la conception des suites *blockbuster*isées actuelles.
Grâce aussi à ce climax en forme de course poursuite délocalisée dans un manoir, qui fait verser le film dans un certain aspect gothic horror surprenant au sein de la franchise Jurassic Park, véritable bol d'air frais.
Et je ne parle pas de ces multiples images superbement composées, de ces séquences qui restent en mémoire, tant elles portent l'empreinte du réalisateur espagnol, qui s'inscrit à cent coudées au dessus de celui à qui il a succédé. Ces griffes de dinosaures qui s'avancent lentement, ce jeu de reflets entre le visage d'une gamine et un museau reptilien, ou encore de diplodocus qui disparaît dans un nuage volcanique, d'une tristesse terrassante, resteront longtemps en tête après la séance, à coup sûr.
De telles qualités auraient dû installer sans mal ce Fallen Kingdom au top de l'entertainment 2018 hollywoodien. Sauf que les pontes de Universal et Amblin ont tout simplement oublié d'apporter un véritable scénario qui vaille quelque chose, puisqu'il oscille entre un rabâchage constant, digne d'une mamie sénile, des tunnels bien mous du genou nuisant au rythme de l'ensemble, et des péripéties parfois anecdotiques, parfois artificielles pour entretenir une pseudo tension finalement dérisoire.
Jurassic World : Fallen Kingdom ne marchera donc, de manière assez regrettable, que par à-coups, zébré d'illuminations et autres morceaux de vrai bon film, noyés entre la redite des enjeux militaires, la création d'un nouveau nouveau dinosaure et des relations entre personnages ne dépassant pas le stade de l'embryonnaire.
D'autant plus dommage que l'entreprise essayait quand même d'amorcer une réflexion sur son univers en opposant les visions de Claire Dearing et Mills, mus tous les deux par l'argent lié à la résurrection des sauriens préhistoriques, réflexion qui pourrait se superposer aux mobiles ayant présider au reboot de l'univers créé par Michael Crichton et mis en image par Steven Spielberg.
Alors oui, les bébêtes cultes sont toujours là, bouffant l'écran comme à leur habitude, dans un spectaculaire assez généreux. Oui, la fin est assez couillue, même si elle se montre d'une maladresse qui déconcertera sans doute, mais Fallen Kingdom est constellé de coups de moins bien. Et surtout, il perd en scénario (et tout ce qu'il charriait de déviance Asylum en 2015) ce qu'il gagne en réalisation haut de gamme et soignée à l'extrême.
Tandis que les personnages sont toujours aussi fades et que les nouveaux s'avèrent inutiles...
Quelque chose a survécu, oui, mais il tourne finalement un peu en rond : que le Lost World de naguère soit toiletté en un Fallen Kingdom est en effet un peu dommage, même si un réalisateur hors pair est installé à la barre du projet.
Je ne sais plus quel italien (peut être un vendeur de pneus, dans mes souvenirs) affirmait que sans maîtrise, la puissance n'est rien. Le masqué a bien envie, pour le coup, de retourner cet adage afin de qualifier ce nouveau Jurassic World en forme de semi-déception.
Behind_the_Mask, Dino Crisis