Alors que le premier World, malgré un succès international monstrueux n'avait pas convaincu grand monde - hormis les costumes-cravates du studio et les vendeurs de LEGO - ce nouvel épisode se devait de relancer la machine afin de nous séduire.
Ce qui revient à se lancer dans une mission suicide pour reconquérir son ex, il ne faut pas s'en cacher
Pour cela, les trois studios Universal, Amblin & Legendary ont recalculé leur stratégie de vente en nous promettant monts et merveilles : embaucher un réalisateur réputé fin plasticien, éjection de personnages inutiles, relégation de Colin Trevorrow à un rôle de scénariste, retour d'un personnage culte et enfin promesses d'un retour vers un esprit Amblin plus prononcé. En bref le feedback a du être violent après le premier épisode.
En se prévenant à l'aide de promesses séduisantes, la production se prévient de toutes attaques contre sa volonté de bien faire.
Aujourd'hui le résultat nous parvient enfin mais il est difficile de décider si le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Ce Fallen Kingdom démarrait pourtant sur les chapeaux de roues avec une scène d'ouverture bien pensée, parfaitement rythmée et aux clins d'oeil réjouissants.
(Qui a parlé de T-Rex ?)
Dans le bon tempo, cette séquence ouvre grand la perspective d'un film de divertissement solide, à l'ancienne. Pourtant (très) rapidement, le souffle retombe comme un vieux pet, la joie s'efface et le cynisme fait son grand retour.
Car après avoir si bien planté le décor, le métrage s'évertue à nous proposer des personnages toujours aussi inconstants et à l'humour débilitant. Sortes de conglomérats de clichés pré-mâchés, sans saveurs, ces sidekicks ne sont là que pour faire avancer l'histoire avec de grosses ficelles qui font tâche. Là où, en revanche, le film marque des points, c'est dans la manière dont il tente régulièrement de proposer (enfin) de la mise en scène. Tandis que la production à la chaine made in Marvel s'attache à annihiler toute perception/réception sensible du format cinéma en nous lessivant le cerveau à grands coups de décalques, J.A Bayona travaille et réfléchit son art.
Le cinéaste tente moins de nous filer la trouille que de réveiller de vieilles peurs. Pour cela il s'attache à garnir son film d'une touche de nostalgie, s'amuse à traquer les ombres rugissantes ou bien encore propose de véritables jeux de lumière. Ce qui marque le plus reste pourtant ce revival très Hollywood des années 1970 à 1990 et qui avait pour caractéristique de placer le décor au centre du récit et d'en jouer.
Que cela soit une île volcanique ou bien un vieux manoir digne de Lara Croft, le réalisateur s'éclate à développer son jeu de massacre : versants d'un volcan en éruption, laboratoire souterrain et passage secret, il y en a pour tous les gouts.
Malgré ces qualités intéressantes et qui peuvent sembler tout à fait honorables, ce que fait Bayona ne représente pourtant rien de moins que la normalité. Ce qui parait ici exceptionnel ne devrait pas l'être, mais à l'heure des productions formatées à la chaine, ce soin esthétique représente une anomalie.
Sorte de madeleine de Proust dopée aux hormones, ce JW2 divertit souvent, énerve parfois, émerveille par intermittence. Il est une créature mutante, parfois une contradiction ambulante.
Il ne trônera pas fièrement sur l'une de nos étagères mais "ça passe", comme on dit.
Au final c'est peut-être cela le plus triste.